Samedi soir, 23h30: je me dirige avec enthousiasme et inquiétude vers République. Le Boulevard Saint Martin est presque désert. Au loin, un concert de klaxons annonce le soutien des taxis au mouvement équivoque. Qu'est-ce que Nuit debout? La révolution est-elle au fondement de sa logique? Quelle cohérence interne? Quel apport pour la Res Publica?
A mon arrivée sur la Place, les bras m'en chutent. Je redoutais certes une déconvenue, mais la violence du réel est telle que je tombe dans la désillusion totale. Je rêvais complaisamment d'agora vespérale, je me retrouve au milieu d'une foire à la beuverie. Je m'approche, j'inspecte les stands, les groupes qui ondulent sur place: partout, des punks à chiens, des post-ados avinés, des racailles en quête de chair fraîche sur le pavé.
Ici ou là, quelques anonymes hagards cuvent leur désillusion en pataugeant dans le dégueulis général. Des monceaux de détritus, des autocollants haineux tels que "ici ça pue le mâle" souillent le socle de l'illustre statue. Certains pissent à la dérobée, d'autres dragouillent ou discutent sans véritable objectif. On est là parce que c'est Nuit debout. Le spot du moment.
Un événement porté à bout de bras par les médias
Immense gâchis. Auto-sabordage d'un mouvement plein de potentialités, qui se suicide par légèreté coupable. Les Nuit debout présents ce soir ont tout sauf l'âme de révolutionnaires. Une meute de coquins tout au plus, masse grise, inconsistante, incapable de faire démocratie.
Le rêve et l'inventivité de la jeunesse sont ici réprimés non par la police mais par la chiennasserie générale, les bières, le vide salé-sucré qui pue la graisse du kebab et les relents de coca. De nombreux jeunes ont pourtant souhaité faire débat, inciter à la réflexion politique. Ce soir du 23 avril 2016, ils semblent avoir étés décimés.
L'identité révolutionnaire du peuple français (et surtout parisien) semble avoir pris un très sale coup... porté par une génération en-deçà de son génie traditionnel.
Pierre-André Bizien
à lire aussi
Antiracisme: le parricide au quotidien
L'antiracisme est moribond. Les passions identitaires l'ont progressivement submergé. L'extrême droite, qui est diverse et multi-raciale, est en passe de le remplacer
Le radical-chic
Le radical-chic: qui est cet intriguant personnage, qui dirige la France depuis 30 ans?
Penser la crise des migrants au-delà des arguments traditionnels
Comment penser la crise des migrants par-delà nos conditionnements respectifs?
Liang Ya, 35 ans, décède au milieu d'une foule indifférente
Le 17 février 2014, une jeune femme agonise dans le métro de Shenzhen, isolée au milieu de la foule.
Vous aimerez aussi
Bons livres sur la question gay. Gaetan Poisson, L'homosexualité au risque de la foi
L'un des meilleurs livres sur la question homosexuelle. Le témoignage d'un ancien séminariste qui aurait pu être prêtre
Roman - Les nouveaux prêtres (de Michel de Saint Pierre)
Paru en 1964, ce roman à thèse explore avec tristesse le désert spirituel des banlieues des années 60.
Penser les violences scolaires
La thématique des violences scolaires demeure un point de litige fondamental au coeur débat public français. Quelques chiffres et notions clés pour y voir plus clair