La guerre franco-prussienne (1870-1871) - Chiffres, batailles, victimes, la Commune

Quelles conséquences résultent du conflit ? La France perd l’Alsace-Lorraine tandis que l’Allemagne parachève son unification. C’est aussi la chute du Second Empire, et avènement de la IIIème République ; la Commune de Paris est réprimée dans le sang.

 

Contexte historique

 

En 1866, la Prusse défait l’Autriche à Sadowa ; partout en Europe, l’évènement fait l’effet d’un “coup de tonnerre dans un ciel serein”. La Confédération de l’Allemagne du Nord est alors constituée autour de la Prusse ; Bismarck, chancelier prussien, veut rallier les États du Sud (Bavière, Wurtemberg, etc.) afin d’achever l’unité allemande. La maladresse de la diplomatie française lui en offre l’occasion.

 

Succession d’Espagne : Bismarck piège Napoléon III

 

L’une des causes immédiates de la guerre de 1870 réside dans la succession du trône d’Espagne ; la reine Isabelle vient d’être renversée par la révolution de 1868 et les Espagnols cherchent un nouveau souverain. Parmi les candidats, les Prussiens proposent un cousin du roi de Prusse, Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen. Napoléon III, empereur des Français, s’insurge. De fait, celui-ci craint la reconstitution de l’empire de Charles-Quint (c’est la même hantise de l’encerclement qui poussa le royaume de France à s’engager dans la guerre de Trente Ans (1618-1648)). Intransigeant, le neveu de Bonaparte déclare : “Je ne veux pas d’un axe Madrid-Berlin”.

 

La “dépêche d’Ems”

 

Dans un premier temps, la guerre semble être évitée de justesse ; “cela m’ôte une pierre du coeur”, écrit Guillaume Ier, roi de Prusse, à sa femme. Quant à Napoléon III, il s’en réjouit également : “Le désistement du prince Hohenzollern enlève tout prétexte”. Pourtant, Bismarck est en embuscade, et l’entourage de l’empereur (l’impératrice Eugénie, le général Bourbaki, Gramont, etc.) le poussent à exiger plus de garanties du monarque prussien ; ce dernier, excédé, finit par adresser un télégramme à son chancelier dans lequel il se plaint de l’insistance française.

 

Bismarck saute sur l’occasion ; il fait modifier le texte afin de rendre la dépêche insultante pour la France. Il s’agit de la “dépêche d’Ems”. Le lendemain, le papier est publié dans la presse ; les journaux s’emballent sur le thème de “l’insulte faite à la France”. Le 19 juillet 1870, Paris déclare la guerre à Berlin.

 

Wissembourg, premier acte de la guerre

 

Le 3 août 1870, le prince royal de Prusse, Frédéric-Guillaume, lance ses forces en direction de l’Alsace. Les unités françaises, situées de part et d’autre de la frontière, sont le plus souvent dispersées, laissées sans instructions précises et victimes des rivalités personnelles de leurs chefs. Les Allemands en profitent ; ils concentrent leurs troupes pour jouir d’un avantage numérique toujours croissant. Ainsi, à Wissembourg, les Français se retrouvent à se battre à… un contre dix. Malgré une résistance acharnée, ils doivent battre en retraite.

 

Selon l’historien François Roth, “la médiocrité du commandement, l’émiettement des pôles de décision, le manque de solidarité entre chefs de corps se sont combinés pour placer à chaque rencontre les troupes françaises en position d’infériorité” (La guerre de 1870, 2011).

 

Le 12 août, Napoléon III, malade - et sous la pression du gouvernement -, confie le commandement de l’armée au maréchal Bazaine ; parallèlement, l’Alsace et la Lorraine sont progressivement investies par l’envahisseur de l’Est.

 

Mac-Mahon est traqué

 

Par suite de l’indécision de Bazaine, l’armée de Lorraine est contrainte de se barricader dans Metz ; le 21 août, Mac-Mahon, ayant reconstitué une armée à Châlons, se porte à son secours mais c’est un échec, et pour cause ! Avant même d’atteindre son objectif, il est pris en chasse par le général von Moltke qui fait soudain volte-face et fait pivoter ses troupes alors en route vers Paris (l’itinéraire de la manœuvre française est révélé par le journal Le Temps). Une course-poursuite débute. Le duc de Magenta finit encerclé, pris au piège dans Sedan ; le maréchal espère nourrir ses hommes privés de vivres depuis deux jours. Contrairement à une légende, il n’a jamais envisagé d’y combattre.

 

Sedan, le tournant tragique

 

Sur les hauteurs de la cité assiégée, les Allemands, forts de 250.000 hommes, installent 400 canons. Les Français, près de deux fois moins nombreux, sont dans l’impasse ; les défenseurs reçoivent une pluie d’obus. Un incendie éclate ; partout, c’est la panique et la débandade. 


L’épisode de la bataille de Bazeilles - jouxtant Sedan -, redonne un court espoir de victoire française ; cependant, c’est en réalité un leurre imaginé par l’état-major allemand afin de faire diversion pour couper toute possibilité de ravitaillement aux Français. Le 2 septembre 1870, la cité capitule.

 

“Le désastre de Sedan porte un coup mortel à l’Empire. Napoléon III, qui avait rejoint Mac-Mahon, est fait prisonnier avec un maréchal de France, 39 généraux, 2.400 officiers et plus de 80.000 hommes de troupe. Frappé à la tête, le régime ne survit pas à cette humiliation. Le 4 septembre, à Paris, une journée révolutionnaire le renverse et proclame la république” (in Bismarck, 2011).

 

Proclamation de la IIIe République

 

Le 4 septembre 1870, deux jours après la débâcle de Sedan, la République est proclamée ; un Gouvernement provisoire de Défense nationale est mis en place, présidé par le général Trochu. La guerre n’est pas achevée.

 

“Moltke porte alors son effort sur Paris pour vaincre le nouveau régime (…) Le 9 octobre, Gambetta, ministre de l’Intérieur, rejoint Tours pour organiser en armées de secours les régiments rappelés de Rome et d’Algérie, les troupes de réserve, la Garde nationale mobile et les volontaires” (cité dans France-Allemagne(s), 1870-1871 : La guerre, la Commune, les mémoires, 2017).

 

Malgré un sursaut national inattendu et l’appui des francs-tireurs ainsi que l’afflux de volontaires étrangers (Garibaldi commande l’armée des Vosges - celle-ci préfigure la constitution des Brigades internationales lors de la guerre d’Espagne (1936-1939)), les armées nouvelles ne remportent que des victoires partielles vite interrompues.

 

Paris fait front

 

Jules Favre, nouveau ministre des Affaires étrangères, incarne la résistance parisienne jusqu’au-boutiste ; celui-ci jure de ne concéder “ni un pouce de notre territoire, ni une pierre de nos forteresses”. Par ailleurs, la cité est protégée par un rempart continu de trente-huit kilomètres et seize forts avancés (aux mains de plus de 400.000 défenseurs) ; c’est pourquoi les Allemands n’ont aucune intention de l’investir, ils entendent la soumettre par un blocus. Les rigueurs du siège sont accentuées par les maladies ; une religieuse témoigne ainsi :

 

“La petite vérole continue ses ravages ; il est mort 480 personnes en six jours” (cité dans Le siège de Paris en 1870, 2005)

La ville est reliée avec l’extérieur uniquement par ballon et pigeon voyageur. Dans le même temps, la capitale de l’Alsace tombe aux mains des assiégeants.

 

Strasbourg capitule

 

Après une résistance désespérée de six semaines, Strasbourg rend les armes ; son système défensif, datant de l’époque Vauban, est obsolète. Un habitant fait ce récit du siège :

 

“De ce point du rempart, le coup d’œil est désolant. En face de moi, je vois les ruines du théâtre, tout criblé d’obus et de balles ; à gauche, les ruines de la préfecture et des maisons voisines incendiées aussi (…) Beaucoup de soldats se traînent avec peine, s’appuyant sur des baguettes de fusil ; les turcos, surtout, sont mornes et courbés, on dirait qu’ils ont vieilli de vingt ans” (in Strasbourg 1870, Le récit du siège d’après le journal inédit d’Ernest Frantz, 2011).

 

Frédéric de Prusse, fils de Guillaume Ier, souligne l’importance stratégique de la prise de la ville :

 

“Cette riche prise de guerre pourrait être mise immédiatement en état de défense contre la France (…) J’espère qu’avec l’aide de Dieu, elle nous restera toujours, qu’on saura y réveiller l’esprit véritable du germanisme, afin de faire comprendre aux habitants qu’ils trouveront, dans la vieille Patrie de leur race, de meilleures conditions d’existence que dans n’importe quelle autre” (in Journal de guerre 1870-1871, 1929).

 

Le 27 octobre, Bazaine hisse le drapeau blanc à Metz ; il livre 180.000 hommes et un armement considérable (son manque de combativité - notamment - le conduira en prison). Libres de leurs mouvements, les troupes allemandes avancent jusqu'à la Loire et mettent le siège devant Belfort ; contrairement à toute attente, la ville résiste pendant plus de 100 jours. Le colonel Denfert-Rochereau, à sa tête, ne rend les armes que sur ordre formel de Thiers.

 

La Commune de Paris

 

Affamée, soumise à un bombardement intensif et devant les échecs répétés de tentatives de sortie (Buzenval, Le Bourget, etc.), Paris s’ébranle ; face à l’agitation populaire grandissante, le gouvernement signe une convention d’armistice, le 28 janvier 1871. Quelques jours plus tôt, Guillaume Ier a été proclamé “empereur allemand” dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Le 18 mars, un violent soulèvement enflamme la capitale ; “Paris s’est reconquis”, écrit Vallès dans Le Cri du peuple.

 

Le 26 mars, des élections municipales ont lieu (moins de la moitié des électeurs se rendent aux urnes) ; l’assemblée nouvelle, majoritairement populaire, se donne le nom de “Commune”. C’est une référence directe à la Commune révolutionnaire du 10 août 1792. “À l’instar des Sans-Culottes de 1789, les Communards ont pour ennemis désignés les exploiteurs, propriétaires bourgeois, aristocrates et hommes d’Église” (Paris insurgé, La Commune de 1871, 1995).


Progressivement, la Commune s’enfonce dans l’autoritarisme ; de fait, elle connaît une réelle dérive policière. Le 2 avril, elle décrète la séparation de l’Église et de l’État et, en dépit de puissants principes d’égalité affichés, arrête arbitrairement quelques trois cents prêtres et religieux.

 

Vers la guerre civile

 

Parallèlement, les escarmouches entre troupes gouvernementales et Garde nationale (de nombreux gardes sont anarchistes) se multiplient ; la guerre civile débute. Fait singulier, les Communards comptent dans leurs rangs un bataillon d’enfants, les Pupilles de la Commune, et un bataillon de femmes, la Légion des Fédérées du XIIe arrondissement. Thiers, chef du gouvernement, ordonne à Mac-Mahon de mater l’insurrection.

 

Au terme de deux mois de combats qui ravagent la ville, l’armée de Versailles, pro-gouvernementale, écrase le Paris populaire et révolutionnaire de la Commune ; le paroxysme de la violence est atteint avec la Semaine sanglante, qui, selon les estimations, fait entre 10.000 et 20.000 victimes. Suite au procès des Communards, près de 3.000 “insurgés” sont déportés en Nouvelle-Calédonie (dont Louise Michel, célèbre figure des révoltés ; la “Vierge rouge” purgera une peine de sept ans). Des milliers d’autres s’enfuient à l’étranger, principalement en Angleterre, en Belgique et en Suisse.

 

Traité de Francfort

 

Le 10 mai 1871, le traité de Francfort met fin à la guerre franco-prussienne ; la France s’acquitte de 5 milliards de francs-or d'indemnités de guerre. L’Alsace et la Lorraine sont annexées. Le chancelier Bismarck exulte ; il est parvenu à cimenter l’unité allemande “par le fer et par le sang”. Quant à Napoléon III, il s’exile en Grande-Bretagne tandis que le maréchal Bazaine est condamné à mort (sa peine est commuée en vingt années de prison, mais il s’évade et meurt en Espagne) ; de son côté, Mac-Mahon est élu président de la République, le 24 mai 1873.

 

L’armée française était-elle prête ?

 

“La guerre franco-allemande s’engage dans les plus mauvaises conditions possibles pour la France : isolement diplomatique, impréparation militaire, infériorité du commandement et de la stratégie face à une armée allemande moderne, entraînée, plus rapide” (cité dans Georges Duby, Atlas historique Duby).

 

Sur le plan militaire, l’armée française pâtit d'une organisation déficiente et d'une moindre capacité à manœuvrer ; à l’inverse, l’armée allemande est disciplinée et moderne. L’historien Nicolas Chaudun met en évidence cette différence entre les deux armées, flagrante dès la mobilisation :

 

“Les officiers supérieurs français arpentent les campements bourdonnant d’activité, mais ils y trouvent des zouaves quand ils cherchent des sapeurs, ou des chasseurs à cheval quand il leur faut des cuirassiers (…) Face à cette fourmilière effarée, le général von Moltke, chef de l’état-major prussien, concentre sans émoi ni hâte ses soldats de plomb à l’abri des forteresses rhénanes” (L'été en enfer : Napoléon III dans la débâcle, 2011).

 

Dans le domaine de l’armement, l’artillerie française est lacunaire ; les canons impériaux sont dotés d’une portée plus courte et d’une cadence de tir plus lente que leurs homologues prussiens. Ces derniers sont fabriqués en acier, pourvus de tubes rayés et chargés par la culasse tandis que les pièces françaises sont forgées en bronze et se chargent par la bouche. Le fusil Chassepot (dont est dotée l’armée française), bien que réputé le meilleur du monde, ne contrebalance pas les performances du canon prussien.

 

Enfin, les effectifs sont très insuffisants ; pourquoi ? Entre autres exemples, citons la loi de 1868 qui organise la conscription sur le mode de la loterie (seul un conscrit sur deux entre dans l’active), et songeons aux troupes mobilisées en Algérie. Ainsi, lorsque le généralissime prussien Moltke fait converger vers la frontière quelques 450.000 hommes, les Français peinent à en rassembler 220.000. Le rapport de force est donc écrasant en faveur des Allemands : près de deux contre un.

 

Napoléon III est-il responsable du déclenchement de la guerre ?

 

Sur le plan diplomatique, Napoléon III s’est laissé aveugler par une alliance possible avec l’Italie et l’Autriche-Hongrie ; il interprète des lettres de Francois-Joseph et Victor-Emmanuel comme autant de promesses éventuelles de secours en cas de guerre avec la Prusse. Il n’en est rien ; aucune alliance tripartite n’est signée. Pourtant, l’empereur déclara : “Je ne ferai la guerre que les mains pleines d’alliances”. Fait aggravant, Napoléon III se laisse duper par Bismarck ; le chancelier prussien confessera après la publication de la “dépêche d’Ems” : “Voilà qui produira sur le taureau gaulois l’effet d’une étoffe rouge… Il est essentiel que nous soyons attaqués”.

 

L’ingérence de l’impératrice Eugénie et de ses conseillers pesa également d’un poids capital dans le cours des événements ; de fait, elle poussa l’empereur à exiger du roi de Prusse plus de garanties alors que celui-ci se montra fort tempéré au sujet de la succession au trône d'Espagne. Le ministre de la Guerre, le maréchal Lebœuf, affirma quant à lui à l’empereur : « Nous sommes plus forts que les Prussiens sur le pied de paix et sur le pied de guerre ». À terme, leurré et sous la pression de son entourage, Napoléon III exécute une sorte d’humiliation publique à l’encontre du monarque prussien, ce qui conduit fatalement à la guerre.

 

Aux yeux de l’Europe, l’empereur apparaît donc unilatéralement comme l’agresseur ; ainsi, le 16 juillet 1870, le journal anglais Times porte ce jugement sévère : “Il est maintenant clair que la guerre en France est le fait d’un homme ; c’est le résultat désastreux du gouvernement personnel”. Cependant, à la lumière des événements historiques, il est établi que la responsabilité échoit à Bismarck ; l’ancien ministre Émile Ollivier le rappelle en ces termes : “Le véritable responsable de la guerre, celui qui l’a voulue, recherchée, souhaitée, préparée, c’est Bismarck” (cité dans L'Empire libéral, vol.14, 1909).

 

La mémoire de la Commune : un héritage controversé

 

Quel sens faut-il donner à la Commune ? Immédiatement après les évènements, les partisans de Karl Marx, “étatistes” et ceux de Bakounine, “anti-étatistes” (futurs anarchistes), s’opposent sur cette question. Les Communards se sont d’abord battus pour la République, qu’ils voulaient démocratique et sociale ; ils incarnent, dans la mémoire collective, une grande cause, celle d’une société avide de justice et d’égalité. Pourtant, le mouvement utopiste est entaché de crimes originels (exécution de l’archevêque de Paris, assassinat de généraux, massacres d’otages, etc.) ; par la suite, le mouvement se vautrera dans un pouvoir devenu dictatorial et violemment anticlérical. Un ami de Victor Hugo, Ernest Lefèvre, confia au poète : “Cette Commune est folle. On y délibère en secret. On y parle le revolver au poing” (in Victor Hugo, Carnets intimes, 1870-1871, Gallimard, 1953).

 

Karl Marx, auteur du Capital (1867) et contemporain de la révolte, dénonce le manque de maturité révolutionnaire des insurgés, avant de se réapproprier la révolution qu’il nommera le “gouvernement du prolétariat”. Fait révélateur, Engels, ami de Marx et autre célèbre révolutionnaire, note que “l’Internationale n’a pas levé un doigt pour la Commune de Paris”.

 

Assurément, la postérité de la Commune est longue ; l’historien Jacques Rougerie détaille :

 

“Longtemps, la Commune a fait l’objet d’un culte. Socialistes, révolutionnaires font depuis 1885 pèlerinage au mur des Fédérés, au Père-Lachaise. Mais surtout, la Commune est devenue référence obligée pour les révolutionnaires, depuis la fin du XIXème siècle”.

 

Toutefois, le spécialiste de la Commune prévient :

“Si l’on veut chercher une postérité socialiste à la Commune, c’est du côté du populisme russe, par l’intermédiaire de Lavrov, membre de la Ière Internationale, qu’il faudrait s’orienter. Filiation infiniment plus convaincante que celles dont, avec Lénine, se sont réclamés en 1917 les Bolcheviks, ou naguère les communistes chinois” (cité dans Paris insurgé, La Commune de 1871, 1995).

 

Rétrospectivement, si la Commune est à l’origine d’un communisme dit “primitif”, elle ne serait en assumer les dérives ; de fait, elle ne peut porter seule le poids des désastres perpétrés par les régimes communistes, notamment soviétique et chinois au cours du XXème siècle. Alain Gouttman, spécialiste du Second Empire, rappelle qu’après un siècle et demi d’interprétation marxiste de l’histoire : “On est ensuite revenu de cette analyse pour prendre en compte la grande diversité des hommes et des tendances qui s’affrontaient au sein de la Commune et mesurer à quel point toute revendication exclusivement marxiste de l’événement était abusive” (La grande défaite 1870-1871, 2015).

 

Guerre de 14-18 : la revanche de 1870 ?

 

Après la guerre, de part et d’autre du Rhin, la rhétorique commémorative s’installe ; les monuments commémoratifs fleurissent également (la colonne de la Victoire à Berlin, le Lion de Belfort d’Auguste Bartholdi, etc.). Le poids mémoriel de l’Alsace-Lorraine prend toutefois une place à part :

 

« De 1871 à 1914, la France et l’Empire allemand organisent leur commémoration dela guerre alors que les champs de bataille de l’Alsace-Lorraine annexées se transforment progressivement en véritables territoires mémoriels » (cité dans France-Allemagne(s), 1870-1871 : La guerre, la Commune, les mémoires, 2017).

 

Côté allemand, le projet d’annexion reste central dans l’unité impériale : « Les territoires retirés à la France, explique Bismarck, devront rester la propriété de toute l’Allemagne. Ainsi pourra s’établir naturellement une relation plus étroite entre le Nord et le Sud » (in Bismarck, 2011). Côté français, l’impératif moral à recouvrer ces « provinces perdues » devient un enjeu majeur ; l’obsession de nouer des alliances est aussi primordiale.


Jean-Francois Lecaillon, spécialiste des guerres du Second Empire, affirme que l'idée de revanche est apparue dès 1870 :

"La défaite est amère et si, par la force des choses, elle est acceptée, l'idée de la revanche travaille, peu ou prou, le vaincu. Pour les patriotes français de 1870, cette volonté de rejouer la partie au plus vite devient une priorité" (cité dans Les Français et la guerre de 1870, 2004).

 


Pour aller plus loin 

 

Sylvie Aprile, La IIe République et le Second Empire, Pygmalion, 2000

Robert Belot, 1870, de la guerre à la paix : Strasbourg, Belfort, Hermann, 2013

Mathilde Benoistel, Sylvie Le Ray-Burimi, Christophe Pommier, France-Allemagne(s), 1870-1871 : La guerre, la Commune, les mémoires, Gallimard, 2017

Jean-Paul Bled, Bismarck, Perrin, 2011

Aline Bouche, David Bourgeois, Marie-Claire Vitoux, Strasbourg 1870, Le récit du siège d’après le journal inédit d’Ernest Frantz, Éditions Place Stanislas, 2011

Yves Buffetaut, Atlas de la Première Guerre mondiale, Autrement, 2014

Nicolas Chaudun, L'été en enfer : Napoléon III dans la débâcle, Actes Sud, 2011

Georges Duby, Atlas historique Duby, Larousse, 2007

Frédéric III, Journal de guerre 1870-1871, Payot, 1929

Alain Gouttman, La grande défaite 1870-1871, Perrin, 2015

Jean-Francois Lecaillon, Les Francais et la guerre de 1870, Bernard Giovanangeli Éditeur, 2004

Jean-François Lecaillon, Le siège de Paris en 1870, Bernard Giovanangeli Éditeur, 2005

Pierre Milza, L’année terrible, La guerre franco-prussienne, septembre 1870-mars 1871, Perrin, 2009

Pierre Miquel, Le Second Empire, Plon, 1992

François Roth, La guerre de 1870, Fayard-Pluriel, 2011

Jacques Rougerie, Paris insurgé, La Commune de 1871, Gallimard, 1995

Pierre Royer, Dico atlas de la Grande Guerre, Belin 2013

William Serman, La Commune de Paris. 1871, Fayard, 1986

Émile Zola, La Débâcle, Le Livre de Poche, 2003 (Première édition : 1892)
 

 


 

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