Comprendre la Guerre de Trente Ans (1618-1648) - batailles, victimes, faits marquants

 

Prolongement des guerres de religion, la guerre de Trente Ans apporta l’Alsace au royaume de France. Elle opposa les Habsbourg d’Espagne et du Saint-Empire romain germanique, soutenus par la papauté, aux États allemands protestants frondeurs du Saint-Empire, ainsi qu’à leurs alliés (Danemark, Suède, et France notamment). Le conflit s’enkysta au coeur de l’Europe mais s’étendit en mer jusque… sur les côtes du Brésil.

 

Causes de la guerre

 

Au début du XVIIème siècle, la situation religieuse de l’Europe centrale est instable ; l’antagonisme divisant catholiques et reformés s’exacerbe. La paix d'Augsbourg (1555) reconnaît l’existence des églises luthériennes, mais la papauté refuse de la légitimer. À terme, la résistance de la Bohême protestante face aux tentatives de Contre-Réforme initiées par le Concile de Trente (1545-1563) et la défiance vis-à-vis de l’autorité habsbourgeoise catholique, dégénère en conflit armé ; la défenestration de Prague est l’élément déclencheur des hostilités (le 23 mai 1618, deux lieutenants du roi et leur secrétaire ont été précipités dans le vide).

 

La Montagne Blanche

 

Le 8 novembre 1620, l’empereur Ferdinand II (à la tête du Saint-Empire) affronte Frédéric V, nouvellement élu roi de Bohême par les révoltés ; la bataille se déroule à proximité de Prague, sur une ligne de hauteurs dont la plus élevée est la Montagne Blanche. Les combats durent deux heures ; l’armée impériale, dirigée par le comte wallon Jean de Tilly, met aisément en déroute les troupes protestantes.

 

“Les troupes impériales, 28.000 hommes, doivent gravir la colline, tâche difficile (…) Le tumulte qu’ils font, leur ascension provoquent la panique dans les troupes de Bohême qui commencent à se débander avant même que le choc ait lieu” (Yves Krumenacker, La guerre de Trente Ans).

 

La Bohême perd son autonomie et devient la propriété personnelle des Habsbourg de Vienne. Dans le même temps, le monarque espagnol Philippe IV de Habsbourg réactive la guerre contre ses anciennes possessions des Provinces-Unies (Pays-Bas actuels).

 

Immixion danoise

 

En 1625, les protestants allemands demandent l’aide du roi luthérien Christian IV de Danemark ; celui-ci s’allie avec l'Angleterre anglicane et les Provinces-Unies calvinistes contre l’Espagne. De son côté, l’empereur catholique recrute un nouvel entrepreneur de guerre, le tchèque Albert de Wallenstein.

 

“Ayant pénétré en Allemagne, le roi de Danemark est battu par Wallenstein à Dessau en avril 1626, puis par Tilly à Lutter en août. En 1627, l’armée danoise est refoulée dans le Nord de l’Allemagne” (cité dans Jean-Pierre Bois, Les guerres en Europe 1494-1792).

 

Le roi de Danemark, défait, signe la paix de Lübeck (1629) puis se désengage du conflit.

 

Intervention suédoise

 

“En 1629, l’édit de Restitution loin d’apaiser le conflit entre catholiques et protestants le ravive tandis que le roi de Suède, Gustave-Adolphe, animé par des sentiments de solidarité protestante et par des arrière-pensées politiques, commence à envahir les territoires de l’Empire” (Thibaut Klinger, Les affrontements religieux).

 

Soutenu financièrement par la France pour des raisons politiques (il reçoit un million de livres annuellement), le souverain suédois gagne de nombreuses batailles sur les troupes catholiques (bataille de Breitenfeld, du Lech…) ; à Lützen, le “lion du Nord” inflige de lourdes pertes à l’armée impériale mais perd la vie. Sa fille, la princesse Christine - âgée de 6 ans -, hérite de la couronne.

 

Exactions

 

Dans chaque camp, les excès se multiplient ; Henri Champion, le curé d’Ottonville, dénonce les exactions des soldats de toute appartenance :

 

“Nous étions égorgés par les Suédois. Les Lorrains avaient tout pillé. Les Impériaux nous traitaient en ennemis et les Messins ne nous portaient aucun secours” (cité dans Pierre Miquel, Histoire des Provinces de France).

 

À Saint-Nicolas-de-Port, les mercenaires croates, hongrois et polonais au service de l’armée impériale se livrent à des actes d’une barbarie inouïe. Leur écho morbide est arrivé jusqu’à nous :

 

“Les soldats faisaient coucher leurs victimes sur le dos et leur faisaient boire de force des liquides nauséabonds jusqu’à distendre les estomacs sur lesquels, pour finir, ils s’élançaient à pieds joints (…) Ailleurs, on allait même jusqu’à rôtir les gens à la broche” (Stéphane Gaber, La Lorraine meurtrie).

 

Près de Montmédy, la petite église de Meix-devant-Virton est incendiée par les Croates avec les quelques 300 personnes qui s’y sont réfugiées (on songe à l’épisode d’Oradour-sur-Glane, Durant la Seconde Guerre mondiale). Le sac de Magdebourg devient le symbole de ces abus extrêmes ; l'un des plus importants massacres de la guerre y fut perpétré (20 à 25.000 morts).

 

La France entre dans la guerre

 

En 1635, les Habsbourg catholiques d'Autriche et d’Espagne semblent maîtres de la situation ; la France, craignant la reconstitution de l’empire de Charles Quint, s’engage alors officiellement dans la guerre. Philippe IV déclare :

 

“Le roi de France, défiant Dieu, la loi et la nature, a ouvert les hostilités contre moi… À un moment où je tentais de réduire les hérétiques, il me fait la guerre sans raison et sans avertissement pour soutenir l’hérésie” (cité dans Henry Bogdan, La guerre de Trente Ans 1618-1648).

 

L’année suivante, le royaume de France est envahi sur deux fronts ; l’empereur et le roi d’Espagne ont scellé une alliance. Malgré le recrutement massif de 18.000 hommes de Bernard de Saxe-Weimar (ancien officier de Gustave-Adolphe), Louis XIII peine à refouler l’envahisseur. Au final, les problèmes de ravitaillement ont raison des Espagnols qui abandonnent leur conquête.

 

Bataille de Rocroi

 

Les années 1637 et 1638 sont celles du rétablissement français ; en 1639, Louis XIII et Richelieu passent à l’offensive :

 

“Ils sont largement aidés par la victoire de leurs alliés hollandais dont la flotte, commandée par Tromp, détruit la flotte espagnole au large de Douvres en octobre 1639, et porte la guerre jusque sur les côtes du Brésil” (Jean-Pierre Bois, Les guerres en Europe 1494-1792).

 

En 1643, profitant des circonstances (mort de Richelieu et maladie du roi), les Espagnols lancent une contre-attaque énergique dans les Flandres ; elle est stoppée par le jeune duc d’Enghien (futur Grand Condé) à Rocroi, près de la Meuse. Pour la première fois, les célèbres tercios espagnols, combattant en formation compacte, sont vaincus en rase campagne ; ils perdent dès lors leur réputation d’invincibilité. Condé essuie ensuite un échec lors du siège de Lérida (1646), mais obtient une large victoire inattendue à Lens. La jonction de Turenne avec les Suédois à Zusmarshausen (1648) contraint l’empereur à des négociations.

 

Traités de Westphalie (1648)

 

Les deux grands vainqueurs de la guerre sont la France et la Suède ; aux traités de Westphalie (Münster et Osnabrück), la France reçoit l’Alsace tandis que la Suède obtient la Poméranie occidentale, les évêchés de Brême (non la ville), Verden et Wismar. Par ailleurs, les Provinces-Unies gagnent leur indépendance et les Cantons suisses sont définitivement détachés de l’Empire.

 

Fait important, les États allemands reçoivent la suprématie territoriale (Landeshoheit) et les droits qui y sont attachés. Sur le plan religieux, le luthéranisme et le calvinisme sont reconnus, mais avec maintien du droit des princes d’imposer leur religion à leurs sujets ; les protestants dissidents (anabaptistes, unitariens, etc.) restent exclus. 15 à 20% de la population allemande a disparu lors des hostilités. En Europe, la paix n’est restaurée qu’en 1659 avec le traité des Pyrénées ; il met fin à la guerre entre la France et l’Espagne.

 


Batailles principales de la guerre de Trente Ans

 

-1620 : La Montagne Blanche
-1622 : Wimpfen
            Fleurus
-1623 : Stadtlohn
-1625 : Breda
-1626 : Dessau
             Lutter
             Neuhäusen
-1628 : Stralsund
-1631 : Magdebourg
            Breitenfeld 
-1632 : Lützen
-1634 : Nördlingen
            Donauwörth
-1636 : Corbie
             Saint-Jean de Losne
-1638 : Brisach
-1643 : Rocroi
-1644 : Fribourg
-1645 : Nördlingen
             Jankau
-1648 : Zusmarshausen
            Lens

 

Jérémie Dardy

 


Pour aller plus loin 

 

Jean Bérenger, Histoire de l’Empire des Habsbourg 1273-1918, Fayard, 1990

Henry Bogdan, La guerre de Trente Ans 1618-1648, Perrin, 1997

Jean-Pierre Bois, Les guerres en Europe 1494-1792, Belin, 2003

Richard Bonney, The Thirty Years' War 1618-1648, Osprey Publishing, 2002

Georges Duby, Atlas Historique Duby, Larousse, 2007

Stéphane Gaber, La Lorraine meurtrie, Presses Universitaires de Nancy, 1991

Thibaut Klinger, Les affrontements religieux, Atlande, 2008

Yves Krumenacker, La guerre de Trente Ans, Ellipses, 2008

Georges Livet, La guerre de Trente Ans, Presses Universitaires de France - PUF, 1994

Pierre Miquel, P. Bleze, G. Fischer, J.-C. Streicher, R. Antonori, Chr. Deloche, Histoire des Provinces de France Vol. 2 - Alsace, Lorraine, Franche-Comté, Fernand Nathan, 1982

 


 

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