Ah, que j'ai envie de ne pas faire comme tout le monde... envie de me distinguer, d'une manière ou d'une autre. Souvenez-vous, Brassens chantait déjà: "Je ne fais pourtant de mal à personne"...
Certes oui, on a raison d'être prudents envers les salafistes de tous poils, envers les jihadistes qui crachent leur haine au quotidien. Mais que dire, que penser de cette bonne société si bien pensante - selon les critères en place - au sein de laquelle nous vivons douillettement, et qui pousse des cris d'orfraie lorsqu'un drame arrive?
Ne s'est-elle jamais posé franchement la question: pourquoi certains jeunes - en prison - se convertissent à l'islam radical? Pourquoi découvrent-ils seulement alors un idéal galvanisant, tandis que la collectivité pleine de ressources les a laissés croupir sur le carreau, amorphes, démotivés, dégoûtés?
La folie religieuse, dans sa version islamique: on ne manque pas de raisons pour éradiquer, anéantir ce mal. Mais d'un point de vue constructif, que propose-t-on véritablement aux jeunes qui tendent à sombrer? Une petite vie bien tranquille? De l'argent à gagner, des filles à palper? Une vie de petit bourgeois moltonné, le cul bordé de nouilles, avec le chômage au bout du toboggan?
Ces jeunes échouent en prison sans repères, sans foi même en l'homme... et voici que d'autres hommes leur parlent du transcendant, de la prière, de la foi, du sacrifice... mais c'est formidable... voilà de quoi refaire le monde. Alors ils foncent et ils défoncent. Les bourgeois apeurés crient au viol. Les individus bien pensants (radicaux de la pensée unique) s'époumonnent: "Il faut calmer ces forcenés! Répression! Répression!"
Cette jeunesse qui part en Syrie... c'est exaltant, c'est réel et concret; on n'a jamais osé comparer le phénomène avec 1914, lorsque la République française proposait aux jeunes de "mourir pour la patrie" dans une incroyable communion mystique. Certes, le contexte différait, mais il n'empêche, la République avait un irrépressible besoin de chair à canon. On ne se privait pas, alors, d'exalter le patriotisme, la fibre sacrée du collectif.
Mais voyons, ce n'est pas pareil... il faut protéger ces jeunes... contre quoi, contre qui? Contre l'idéalisme? La déviance? Je vous le demande. Quel degré de crédibilité avons-nous pour le faire sans que le réel ne se charge de l'arbitrage? Toute proportion gardée, je pense à ce passage de l'Evangile: on regarde la paille dans l'oeil de son voisin, et on ignore la poutre qui est dans le nôtre.
Malheureusement, notre société avachie ne propose que des solutions terre-à-terre, sans l'aura minimum qu'offre la légitimité morale. Shakespeare disait déjà: "Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark..." La réalité... C'est dans notre pays qu'elle se vit, ou plutôt qu'elle sévit.
Père Bernard Vignot
à lire aussi
Nuit debout - Récupérer le ''gnagnagna'' de Finkielkraut comme mot d'ordre révolutionnaire
Nuit debout peut prouver son génie en se réappropriant le verbe de son adversaire Finkielkraut. De l'audace!
Erreurs et limites du discours de Fatou Diome sur ''les Blancs''
Invitée sur le plateau de Ce soir ou jamais le 24 avril 2015, la romancière franco-sénégalaise s'est violemment emportée contre l'Europe et ''les Blancs''. Fatou Diome a choisi l'éloquence au détriment de la pertinence
Harcèlement scolaire. Solution directe, chiffres, témoignages, violences
Le harcèlement scolaire est un fléau qui n'est pas fatal. Une solution très concrète existe. Chiffres, témoignages, suicides, violences à l'école.
Laïcité: mort d'une définition - l'OPA du présentisme
La laïcité est un sujet de divisions et de colères sempiternel. En vérité, elle ne protège pas tant le temporel du spirituel que l'inverse.
Vous aimerez aussi
Guerre des moteurs de recherche - Qwant peut-il défier Google?
Le moteur de recherche Qwant, basé sur le respect de la vie privée, peut-il constituer une alternative crédible à Google?
La guerre de Corée (1950-1953) - ombres, chiffres et victimes
Histoire détaillée de la guerre de Corée. Zones d'ombre, chiffres, victimes, géopolitique.
François et les loups de Gubbio
Le père Eric de Beukelaer nous confie son sentiment à propos des attaques mécaniques des journalistes contre le pape François


