Amine, 16 ans, tué à coups de marteau: ne dramatisons pas?

"La délinquance est un signe de bonne santé de la société", déclarait tout sourire Jamel Debbouze le 20 septembre 2010 sur Europe 1. Reconnaissons que ce jour-là, notre trublion national s'est lestement planté. Non que la saillie soit idiote - elle induit justement qu'une France ultra-sécurisée ressemblerait à une maison de retraite nationale, sans vitalité, sans pulsation - mais force est de considérer la nudité des faits: avant que d'être une mystique, une esthétique de l'affliction, la délinquance est un fait social brut. Au-delà du pouvoir de fascination qu'elle exerce sur une France hébétée qui s'emmerde, sur un maelström culturel efféminé et une industrie capitaliste opportuniste, la délinquance tue.

 

Elle tue froidement, subitement, quelques poignées de jeunes chaque année. Certaines consciences ne se rendent pas compte de cela. Engluées dans un crypto-marxisme narcissique, elles refusent de se ranger du côté des vieilles dames à caniche et des bourgeois satinés: les parties molles du corps social, pâles, sans saveur ni capital culturel attrayant. Image dégradante que d'agréer aux complaintes d'une population nantie méprisable, dépourvue de charisme sentimental. L'industrie de l'entertainment pousse au néo-romantisme culturel, à la mystique des barricades, elle sponsorise tous les modes d'être subversifs.  

 

De l'industrie de la junk-food aux majors de la construction automobile, toutes les forces prédatrices du capital vantent la déviance comme une valeur (voire les slogans de Macworld et de BMW pour sa dernière Austin Mini). Et le monde culturel de leur emboîter naïvement le pas, en quête d'impertinence, perdant au passage toute force de rayonnement intérieur... comme l'indiquent les inquiétudes internationales récurrentes envers la culture française actuelle.

 

La collusion contre-nature du capital et de l'esprit libertaire ont produit la pire des idoles: l'esthétique de la violence brute urbaine, matinée d'affliction socio-libidineuse. Conséquence inévitable: l'impotence politique. De la droite du chiffre à la gauche du spliff en passant par le lepénisme botté, la vespasienne multipartiste est bouchée. Le Sarko-Vallsisme, ou le post-chiraquisme, est impropre à traiter les métastases d'un cancer à dimension sociétale. La délinquance, ce fait brut que n'ont jamais voulu voir en face nos sociologues officiels (Laurent Mucchielli, etcaetera), coûte chaque année à la France quelques vies, d'innombrables points de suture et l'inflation du racisme. Les politiques et les journalistes négationnistes, la théorie du fantasme de la délinquance (qui offrit à tu-sais-qui une place au second tour en 2002), le mariage contre-nature de la politique gestionnaire et de la bohème culturelle... tout a oeuvré pour le pire.

 

Résultat: le soir du vendredi 17 janvier 2014, deux bandes s'affrontent boulevard Général-de-Gaulle, dans le secteur du Kremlin Bicêtre aux abords de Paris. Un jeune de 16 ans, Amine, est frappé à coup de marteau en pleine tête. On le retrouvera au sol, baignant dans son sang. D'aucuns diront que ces choses ont toujours existé et donc, sous-entendu sans pour autant le reconnaître, qu'on ne peut rien y faire et que c'est comme ça (cf François Rebsamen, ténor PS, arguant en d'autres lieux que la délinquance a toujours existé; on pourrait ajouter, tout compte fait, que le racisme aussi, et qu'il ne sert à rien de s'exciter). Quelques heures plus tard, à la Salpetrière, Amine est mort. Il était midi.

 

Le lendemain, les indestructibles petites vieilles à caniche s'étaient remises à flâner sur la chaussée, la mine affairée.         

 

Pierre-André Bizien   

 

 

Photo: Twitter

 


 

à lire aussi

Nuit debout - Récupérer le ''gnagnagna'' de Finkielkraut comme mot d'ordre révolutionnaire

Nuit debout - Récupérer le ''gnagnagna'' de Finkielkraut comme mot d'ordre révolutionnaire

Nuit debout peut prouver son génie en se réappropriant le verbe de son adversaire Finkielkraut. De l'audace!

L'islamo-gauchisme est-il un concept légitime?

L'islamo-gauchisme est-il un concept légitime?

Qu'est-ce que l'islamo-gauchisme? Qui sont les islamo-gauchistes? Les intellectuels se divisent sur le sujet.

Soins et services à domicile à Vincennes. Assistance personnes âgées, prix, tarifs, accompagnement

Soins et services à domicile à Vincennes. Assistance personnes âgées, prix, tarifs, accompagnement

Choisir une bonne structure de soins aux personnes âgées et dépendantes à Vincennes. Prix, tarifs, accompagnement

La fin du sida? Témoignages forts, chiffres, malades et chercheurs

La fin du sida? Témoignages forts, chiffres, malades et chercheurs

La fin du sida est-elle pour 2030? Chiffres comparatifs, témoignages de malades et de chercheurs sur le sida

Les auteurs

 

Index des citations religieuses

 

Caricatures

 

Vous aimerez aussi

Liste de prêtres d'exception

Liste de prêtres d'exception

Par-delà peintures faciles et clichés stagnants, de nombreux prêtres hors norme constellent notre histoire. Qu'ils soient scientifiques, amants, boxeurs ou même athées, ils ne manquent décidément pas de sel

 

 

France: quelques chiffres pour se faire peur

France: quelques chiffres pour se faire peur

La France souffre. Illustration au travers de quelques chiffres anecdotiques

 

 

Eugen Drewermann, ou le pédosophisme théologique à l'état brut

Eugen Drewermann, ou le pédosophisme théologique à l'état brut

Nouveau prophète, faux rebelle, hérétique... Eugen Drewermann passionne. Ce prêtre psychothérapeute vilipende l'Eglise catholique depuis des années.

 

 

Emmaüs, trash en coulisses

Emmaüs, trash en coulisses

Peu d'organisations caritatives ont une histoire aussi saisissante que celle d'Emaüs. Aujourd'hui, l'héritage de l'abbé Pierre est grevé par un recul inouï de l'éthique.