Témoignages de biographes, et d'un écrivain public - approche, tarifs, formation...

 

Quatre professionnels de l’écriture (un écrivain public et trois biographes) apportent un témoignage approfondi sur leur métier. Quelles sont leurs méthodes de travail ? Leurs ficelles (comment améliorer son niveau stylistique) ? Quels tarifs jugent-ils excessifs ? Comment envisager sa relation au client ? Entre Châteauroux, Bordeaux, Paris et Villeneuve d’Ascq, petite traversée au cœur d’un univers mystérieux.

 

 

Thierry Leclerc, écrivain public à Châteauroux

 

1. Quel âge avez-vous ?


J'ai 44 ans



2. Quelle est votre formation ?


J'ai passé un baccalauréat A1 (lettres et mathématiques) et obtenu un D.U.T. "Métiers du livre" (spécialisation "bibliothécaire adjoint")



3. Les précédents métiers que vous avez pu exercer ?


Avant d'être écrivain public, j'ai été vendeur, commercial, téléconseiller... La notion de conseil est vraiment ce qui me porte !



4. Pourquoi avoir choisi ce métier ?


J'écris depuis plusieurs années : j'ai à mon actif un recueil de nouvelles, un roman érotique, un livre de contes pour enfants, quelques poèmes et plus d'une quarantaine de chansons ! J'aime l'éclectisme ; par l'exercice de mon métier, j'apporte à mes clients avant tout une qualité d'écoute pour leur livrer un travail personnalisé, correspondant à leurs attentes et à ce que je sais faire de mieux : écrire !



5. Arrivez-vous à vivre correctement de votre activité ?


Clairement, non ! C'est un métier peu rémunérateur, il est très difficile d'en vivre. La partie socialement la plus défavorisée des prospects (celle qui aurait le plus besoin de recourir à un écrivain public) pense souvent qu'un écrivain public relève du même ordre qu'une assistante sociale et qu'il est rémunéré directement par la ville ou le conseil départemental ! De plus, les prix proposés aux clients leurs paraissent souvent disproportionnés car ils ne se rendent pas compte de la somme de travail qu'exige la rédaction d'une biographie. Il est difficile de vendre des compétences acquises au long cours, de valoriser le travail de maturation d'un style, à des personnes qui sont parfois en conflit avec la grammaire et pour qui l'orthographe est synonyme de moyen de torture autrefois utilisé par des professeurs sadiques...
 


6.  Un bon tuyau pour démarcher les clients ?


L'humilité semble la meilleure approche pour proposer ses services : la langue française ne nous appartient pas ! Nous ne sommes que les modestes dépositaires de ses secrets, c'est une langue complexe qui peut ruer à tout moment ! Surtout, il est important d'établir une relation de confiance avec le prospect.



7. Une ou deux anecdotes plaisantes vécues avec vos clients, ou concernant leur histoire (sans citer de nom bien-sûr) ?


Un jour, un homme m'a appelé pour me raconter son projet : il voulait écrire un livre qui retracerait son parcours de vie particulièrement chaotique. Il se voyait déjà invité sur les plateaux de télévision ! Avec douceur, je lui ai alors expliqué qu'il y avait peut-être un décalage entre sa façon de voir les choses et la réalité...



8. La formule qui synthétiserait votre travail ?


J'aime à me définir comme auteur, conteur et raconteur de vies !



9. Qu’apportez-vous de spécifique au métier ?


Ce que j'aime, c'est apporter du style, un souffle dans une histoire qui, de prime abord, pourrait  peut-être paraître fade : un peu de lyrisme, d'action, de sensualité selon les scènes... Et considérer l'ensemble en tant qu'œuvre, lui trouver une cohérence.
 


10. Une ou deux techniques et secrets d’écriture ?


Il est important de ne pas laisser de zones d'ombre dans le récit, la narration doit être limpide et fluide, mais il faut aussi veiller à ne pas donner trop d'explications ! Le lecteur doit pouvoir éprouver le plaisir de la découverte et l'envie de savoir ce qui va se passer au chapitre suivant !



11. Quel est LE piège à éviter dans la profession ?


Pour moi, il est important d'être clair aussi bien dans les services proposés (les tarifs et ce qu'ils englobent) que dans la démarche : lorsqu'un client ne sait pas trop où il veut aller au final et change régulièrement de direction, il faut le recadrer pour ne pas dévier de l'objectif initial !



12. Selon vous, à partir de quel prix peut-on considérer qu’une biographie est chère pour le client (considérant un standard de 150 pages et une finition ordinaire) ?


D'après mes recherches préalables à la création de mon entreprise, les tarifs moyens (dans la région) oscillent autour de 1500 euros pour l'écriture proprement dite, tarif auquel il faut rajouter les déplacements et, bien entendu, les tirages... Je me suis donc établi sur cette base. Au-delà de 2500 euros (hors options), le prix me paraît élevé, même pour un biographe expérimenté...

 

Ps. J'exerce le métier d'écrivain public : mon activité ne concerne pas seulement l'écriture de biographies, mais aussi la rédaction de courriers administratifs, l'accompagnement à la créativité, ainsi que la correction, la rédaction de contenu, de slogans ou de tout autre écrit.


Contact : magiedesmots@gmx.fr


Site : www.magiedesmots.fr

 

 

Myriam Cavanié, biographe des familles à Bordeaux (et région environnante)

 

1. Quel est votre âge ?


54 ans

 

2. Votre formation ?


ESC Bordeaux - DESCAF (spécialisations : finances et expertise comptable)
+ DESS Droit des affaires et fiscalité (mention juriste d'entreprise)

 

3. Les précédents métiers que vous avez pu exercer ?


Consultant en gestion d'entreprises, DAF, Responsable pédagogique et formateur / analyse financière et contrôle de gestion - Groupe INSEEC/ECE, GIC/FO - CCI Bordeaux, Groupe de Bissy - ESARC/ESSIGE etc.

 

4. Pourquoi avoir choisi ce métier ?


Envie de développer une activité indépendante (entrepreneuriat) dans le domaine de l'écriture.

 

5. Arrivez-vous à vivre correctement de votre activité ?


Double activité, mon revenu principal étant issu d'un travail salarié.

 

6. Un bon tuyau pour démarcher les clients ?


Le réseau, le bouche à oreille, faire des "galops d'essais" pour afficher des réalisations et se faire connaitre...

 

7. Une ou deux anecdotes plaisantes vécues avec vos clients, ou concernant leur histoire (sans citer de nom bien-sûr) ?

 

De très belles rencontres et beaucoup trop d'anecdotes pour en retenir un ou deux seulement !
Allez, une anecdote quand-même : une personne à qui j'avais envoyé un texte concernant la séance précédente (travail à partir de photos) m'a dit lors du RV suivant, en me tendant un texte "je suis navré, mais comme vous pourrez le constater, je n'ai guère été performant... ce que j'ai écrit pour la séance d'aujourd'hui est très en deçà de mon précédant texte...". Cette personne était absolument persuadée d'avoir écrit elle-même ce que je lui avais envoyé! J'y ai vu un très beau compliment. Parvenir à s'approprier finement la manière de s'exprimer de la personne avec laquelle on travaille est un exercice toujours difficile, qui nous entraine bien loin de notre propre style. Travailler ce "je" pour autrui fait partie du travail du biographe. Je trouve personnellement cet exercice parfois ingrat et laborieux, mais très plaisant quand on y parvient.

 

8. La formule qui synthétiserait votre travail ?


Un travail d'utilité publique ! Remettre toutes ces richesses humaines vécues et leur diversité + la langue/l'écrit/les mots... au cœur des problématiques de notre société.

 

9. Qu’apportez-vous de spécifique au métier ?


De l'altruisme (le goût des autres, la transparence dans l'écriture, beaucoup de curiosité et de tolérance, des valeurs, un sens de l'engagement collectif....).

 

10. Une ou deux techniques et secrets d’écriture ?


Assumer la subjectivité de tout regard et de toute écriture, tout en cherchant à donner une "image fidèle" (un grand principe comptable et financier !) de celui qui se raconte via ma plume.

 

11. Quel est LE piège à éviter dans la profession ?


Vouloir faire du chiffre et oublier le sens de ce travail, qui est d'abord humain et doit le rester.

 

12. Selon vous, à partir de quel prix peut-on considérer qu’une biographie est chère pour le client (considérant un standard de 150 pages et une finition ordinaire) ?


Rq : le standard de 150 pages n'est pas forcément parlant, tout dépend du format de page et de la taille des caractères, interlignes etc... Parler en nombre de mots est un critère plus objectif.
Sur la base de 25 000 mots : de 2 800 à 3 000 euros, mise en page, scan/photos et impression inclus.
Au-delà, il faut des éléments justifiant une difficulté particulière (importance des recherches, travail à plusieurs voix etc.)


Contact : contact@pourecrirelavie@.fr


Site : pourecrirelavie.fr

 

 

 

Pierre-André Bizien, biographe des familles à Paris (et région parisienne)


1. Quel est votre âge ?


36 ans.

 

2. Votre formation ?


Maîtrise d’histoire et d’histoire de l’art, option architecture. Sorbonne Paris 1, INHA.

 

3. Les précédents métiers que vous avez pu exercer ?


Je suis passé par beaucoup de petits boulots au cours de la vingtaine (commis de bar, gardien d’entrepôts, pigiste, rédacteur web…). Après avoir mis un pied dans le monde du journalisme et constaté la gangrène qui affectait la profession, j’ai décidé de fonder mon propre atelier biographique, Mont des lettres.

 


4. Pourquoi avoir choisi ce métier ?


C’est toute mon histoire : dès mes premières années, la narration a été ma grande affaire, mon horizon. Pas toujours doué à l’oral, je me suis surinvesti dans l’écrit. Le fait de vivre de sa plume a un cachet romantique, artisanal, qui me motive absolument. Au cœur d’une société qui se numérise et se robotise, je me sens l’âme d’une sorte de maquisard - toutes proportions gardées…

 

5. Arrivez-vous à vivre correctement de votre activité ?


Question bien anguleuse… Joker ! Ce sera ma manière d’y répondre "correctement".

 

6. Un bon tuyau pour démarcher les clients ?


Eviter de trop faire ses petits comptes, se mettre réellement en quête de ce qu’ils souhaitent. Eviter les sourires trop friands. Un bon biographe n’est pas un homme de chiffres, mais de lettres et de cœur.

 

7. Une ou deux anecdotes plaisantes vécues avec vos clients, ou concernant leur histoire (sans citer de nom bien-sûr) ?


Un jour, une cliente m’a communiqué le téléphone personnel de deux hommes politiques… afin qu’ils offrent un petit témoignage d’amitié dans l’ouvrage à préparer !


Une autre fois, une dame d’un âge très respectable qui avait jadis travaillé dans le monde du cinéma, m’a confié de sacrées anecdotes sur Coluche.


Plus généralement, chaque séance d’entretien est une aventure inédite, pleine de surprises.

 

8. La formule qui synthétiserait votre travail ?


Dépasser l’empathie, faire accoucher les esprits ; débusquer la ligne secrète des existences et en révéler le fruit.

 

9. Qu’apportez-vous de spécifique au métier ?


Peut-être l’épaisseur d’un regard historien, la truculence d’un certain langage, la conscience que l’empathie ne suffit pas pour réaliser un véritable travail de biographe.

 

10. Une ou deux techniques et secrets d’écriture ?


Achetez-vous des petits carnets de vocabulaire. Dès que vous trouvez une formule ou un mot intéressants dans la presse ou dans un livre, notez-les de suite. Vous pourrez les utiliser ultérieurement et les adapter à votre style.

 

11. Quel est LE piège à éviter dans la profession ?


L’amateurisme. Le fait de travailler comme s’il s’agissait d’un passe-temps distingué. Le biographe est un professionnel dont le métier exige un sens profond de l’organisation.

 

12. Selon vous, à partir de quel prix peut-on considérer qu’une biographie est chère pour le client (considérant un standard de 150 pages et une finition ordinaire) ?


Je travaille généralement en m’adaptant au budget du client, parfois en-dessous de 2000 euros, voir en-dessous de 1500 euros. Selon les critères ordinaires, il me semble qu’au-delà de 2500 euros, le travail peut être qualifié de cher, à moins que les conditions ne l’exigent.


Contact : montdeslettres@gmail.com


Site : www.montdeslettres.fr

 

 

Marie de Francqueville, biographe des familles à Villeneuve d’Ascq et en région lilloise



1. Quel est votre âge ?


52 ans

 

2. Votre formation ?


Capes en lettres modernes

 

3. Les précédents métiers que vous avez pu exercer ?


Enseignante

 

4. Pourquoi avoir choisi ce métier ?


Goût et curiosité des autres ; plaisir d’écrire et foi dans le pouvoir des mots. 

 

5. Arrivez-vous à vivre correctement de votre activité ?


Oui, Je retrouve un niveau de rémunération comparable a celui de mon métier d’enseignante.

 

6. Un bon tuyau pour démarcher les clients ?


En parler avec passion le plus souvent possible, avoir un bon site internet, s’adresser à ceux qui offriront mes services à un de leurs proches (ex : enfants pour parents) ; salons du livre.

 

7. Une ou deux anecdotes plaisantes vécues avec vos clients, ou concernant leur histoire (sans citer de nom bien-sûr) ?


Invitation à une fête d’anniversaire de 100 ans (et remise du livre aux descendants).
Une personne qui me confie un texte à relire, en disant qu’elle n’y touchera plus, et qui repart de plus belle avec moi pour lui donner une suite.

 

8. La formule qui synthétiserait votre travail ?


Ma base line : deux oreilles et une plume pour vous raconter.

 

9. Qu’apportez-vous de spécifique au métier ?


Compétences d’écriture et une attitude faite à la fois de bienveillance dans l’écoute et de dynamisme dans la relance et les questions. Importance du lien privilégié avec le narrateur.

 

10. Une ou deux techniques et secrets d’écriture ?


Enregistrer les entretiens ; relire, relire et relire ; m’inspirer des mises en page qui me plaisent dans les maisons d’édition.

 

11. Quel est LE piège à éviter dans la profession ?


Vouloir tout maitriser alors que l’on fait face à la vie qui se déroule et se déploie !

 

12. Selon vous, à partir de quel prix peut-on considérer qu’une biographie est chère pour le client (considérant un standard de 150 pages et une finition ordinaire) ?


Au-delà de 4000, impression non comprise.

 

13. Remarques personnelles éventuelles ?


Merci à celui qui m’a donné l’audace de me lancer dans ce métier !

 

Contact : mariedefrancqueville@orange.fr


Site : miseenmots.com

 

 


 

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