Les arabes et les musulmans sont-ils racistes ? Si la question fait sourire par son caractère essentialiste, elle met pourtant le doigt sur un non-dit très ancré. A ce sujet, Tariq Ramadan, fréquemment accusé de double discours pro-islamique, vient de jeter un pavé dans la marre.
Devant de jeunes musulmans suisses qui l’écoutaient dans le cadre d’une petite conférence décontractée, Tariq Ramadan s’est attaqué au tabou du racisme dans l’islam et le monde musulman.
« Je ne peux pas supporter le racisme de certains arabes» (MoConference, 2017)
« Les arabes ont été des esclavagistes» (MoConference, 2017)
« Je vois trop de racisme parmi les musulmans ; beaucoup trop de racisme» (MoConference, 2017)
Ces trois phrases, notamment, ont frappé fort sur le public. Depuis de nombreuses années, des intellectuels évoquent cette réalité du racisme dans le monde arabe et musulman en se faisant généralement conspuer, accuser d’islamophobie, ou pire, de racisme. Les travaux du chercheur Tidiane N’Diaye sur la traite des noirs dans le monde arabe ont ainsi provoqué de lourds propos haineux au sein des communautés musulmanes. Une certaine gauche occidentale, très mal à l’aise sur un sujet qu’elle ne peut plus vraiment ignorer, louvoie selon les circonstances.
Tariq Ramadan, un regard critique épileptique
Souvent perçu comme un spécieux fondamentaliste, Tariq Ramadan est surveillé de toutes parts. Le fait qu’il reconnaisse aussi clairement la réalité du racisme arabe et musulman à l’encontre des noirs lui attirera sans doute les foudres de certains. Il est cependant nécessaire que la réalité du racisme soit étudiée sous toutes ses faces, et non sous le seul angle du racisme blanc occidental (ce qui génère une haine colossale et meurtrière trop souvent minimisée).
Tariq Ramadan n’a pas attendu cette conférence pour pratiquer le recul critique envers sa propre communauté religieuse. Ses mots ont parfois même été très durs, bien que souvent lestés de contorsions sémantiques ambiguës. C’est au fond cela qu’on lui reproche le plus souvent : refuser d’être suffisamment clair, comme lors de l’épisode calamiteux de la mort de Ben Laden. Interviewé par I-Télé après l'événement en 2011, Tariq Ramadan était alors apparu agacé, vétilleur :
« Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent de ce que l’on tue un être humain»
« La façon dont les Américains ont opéré est sujette à beaucoup de questions. Alors c’est un très très grand coup de relations publiques»
Ces propos étaient assortis de critiques sur l’immersion du corps de Ben Laden, ce procédé contrevenant à la tradition musulmane. L’effet de tels propos choqua puissamment, Tariq Ramadan apparaissant comme un ergoteur regrettant le manque d’égards envers le plus grand terroriste islamiste de la planète, à l’heure où un soulagement mondial assez compréhensible se manifestait.
Malgré cet aspect trouble de sa personnalité, Tariq Ramadan a souvent su prendre des positions réformistes très courageuses vis-à-vis du monde musulman. Ainsi lorsqu’il affirme que le fait de quitter la religion musulmane doit être respecté. Dans une conférence à Dakar, il est même allé jusqu’à déclarer :
« Le problème de l’islam, ce n’est pas l’Occident, ni les autres, mais nous-mêmes» (Tariq Ramadan, Conférence de Dakar, 11/03/2013)
Pierre-André Bizien
Pour aller plus loin
La traite négrière dans le monde musulman
La réputation médiatique des musulmans
Le génocide voilé, entretien avec Tidiane N’Diaye
Image: issue d'une vidéo MoConference
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