Victor Hugo, Les Misérables. Enseignement philosophique, résumé de l'oeuvre

 

En 2015, l’écrivain Will Self a déjecté un terrible pronostic : dans 25 ans, la littérature n’existera plus. Elle devrait donc s’éteindre aux alentours de l’an 2040, et le compte à rebours est enclenché.

 

Qu’en aurait dit Victor Hugo, auteur du chef d’œuvre Les Misérables ? Au-delà du caractère provocateur de l’affirmation de Will Self, nous percevons l’avertissement : bien qu’inépuisable, la littérature n’est pas invulnérable.

 


L’enseignement de Victor Hugo dans l’œuvre "Les Misérables"

 


En près de 2000 pages, Victor Hugo s’est ménagé un bel espace pour développer ses intuitions sur ce qu’est le peuple, le génie français, la valeur de la religion, les illusions de la raison scientifique orpheline de l’invisible.


A l’inverse des sociologues de nos jours, Victor Hugo n’hésitait pas à défendre les victimes de la société tout en dénonçant leurs comportements inacceptables. Sa tendresse pour le peuple souffrant ne l’empêchait pas de le confronter à une critique inouïe, afin de le redresser. En cela, Hugo opérait comme Zola, lequel n’hésitait pas à secourir les pauvres en les insultant jusqu’à l’os (ainsi lorsqu’il dépeint le caractère bovin des ouvriers de la mine, de la femme paysanne écrasant son nourrisson sous sa lourde « mamelle »… ainsi lorsqu’il évoque en entomologiste maniaque « la résignation passive des filles qui subissent le mâle de bonne heure » [Germinal]).


Ce premier point est important, car il nous invite à nous interroger sur la manière dont il convient de procéder pour redresser les torts au sein de la société : on évoque souvent la "culture de l’excuse" qu’alimenteraient les sociologues en évoquant les délinquants et autres criminels de cité. Victor Hugo, lui, refusait de faire du misérable un robot social ; il distinguait scrupuleusement la raclure sociale (le bandit Montparnasse) du déshérité quasi-christique (Gavroche, Jean Valjean).


Surtout, Victor Hugo ne craint pas de dénoncer les dangers de l’oisiveté, affirmant qu’ils sont un danger particulier pour les masses pauvres :


« L’oisiveté d’un pauvre, c’est le crime » (Les Misérables)


« Le travail est la loi ; qui le repousse ennui, l’aura supplice » (Les Misérables)


« Le travail ne vous lâche d’un côté que pour vous prendre de l’autre ; tu ne veux pas être son ami, tu seras son nègre » (Les Misérables)


« Tous les crimes de l’homme commencent au vagabondage de l’enfant » (Les Misérables)


Aussi, le jeune qui se complaira dans sa misère sera responsable de son destin, aucune excuse ne pourra être invoquée en sa faveur. En clair, sous le voyou la racaille n’a aucun argument pour elle :


« Malheur à qui veut être parasite ! Il sera vermine » (Les Misérables)


Ces rugueuses saillies nous dressent le portrait d’un Victor Hugo bien sévère, que les recensions habituelles évitent de nous signaler. On a vite fait de Victor Hugo le champion des "petits" contre les gras, le grand consolateur des Misérables. En réalité, son regard est plus complexe, plus exigeant vis-à-vis des petits. On connaît certes sa fameuse conviction, selon laquelle ouvrir une école c’est fermer une prison. Vulgate un peu courte… en réalité Hugo adhère naturellement à l’idée en un sens général, mais sur le détail, il devient plus discutailleur :


« La misère, presque toujours marâtre, est quelquefois mère » (Les Misérables)


« Le partage égal abolit l’émulation » (Les Misérables)


Bien entendu, ces affirmations ne sont pas à isoler de leur contexte, et justement celui-ci renforce le son âpre qu’elles émettent. Hugo n’était pas le tendre grand-père que l’on imagine trop souvent. L’icône gâteuse dans laquelle il croupit doit être brisée. Sur le plan du politiquement correct, nous aurions aujourd’hui de drôles de surprises à le relire…


« Qui s’effémine s’abâtardit » (Les Misérables)

 

 

Dieu, la religion et l’infini

 

 

Dans Les Misérables, Victor Hugo plaide pour l’infini, Dieu, tout en se gardant du cléricalisme. Est-il déiste ? Panthéiste ? Vague chrétien ? La liberté d’inspiration qu’il exige en tant qu’auteur l’empêche de s’encombrer de catéchismes. Pourtant, sa conviction est que nous ne sommes pas seuls. Ici, la récupération républicaine de Victor Hugo a souvent caché toute la dimension spirituelle, et même croyante, de l’écrivain. On a souvent déspiritualisé Hugo pour en faire un héros du laïcisme.


« La négation de l’infini mène droit au nihilisme » (Les Misérables)


« La contemplation est, ainsi que la prière, un besoin de l’humanité » (Les Misérables)


« Rien n’est tel que le dogme pour enfanter le rêve. Et rien n’est tel que le rêve pour engendrer l’avenir » (Les Misérables)


« Le monastère est le produit de la formule : Egalité, Fraternité » (Les Misérables)


« Près du droit de l’Homme, au moins à côté, il y a le droit de l’Âme » (Les Misérables)


« La révolution française est un geste de Dieu » (Les Misérables)


« L’idéal n’est autre chose que le point culminant de la logique » (Les Misérables)

 

 

Le génie de la France, selon Victor Hugo

 

 

Hugo offre de Paris et de la France un portrait très flatteur, parfois bien dépassé. Qu’on en juge :


« La grandeur et la beauté de la France, c’est qu’elle prend moins de ventre que les autres peuples ; elle se noue plus aisément la corde aux reins. Elle est la première éveillée, la dernière endormie » (Les Misérables)


« La France est faite pour réveiller l’âme des peuples » (Les Misérables)


« La France est de la même qualité de peuple que la Grèce et l’Italie. Elle est athénienne par le beau et romaine par le grand » (Les Misérables)

 

Naturellement, le contenu philosophique des Misérables est largement plus vaste que ce qu'en montre ce petit aperçu. Lisez Victor Hugo, vous en sortirez grandis. 

 

Pierre-André Bizien

 

 


 

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