Ce que l'anglicanisme peut nous apprendre - théologie

 

Un article de La Croix paru en décembre 2009  posait une question pertinente : le génie de l’anglicanisme est-il de concilier des accents théologiques différents ? Le papier était signé par le chanoine John Gibaut, théologien canadien de confession anglicane.
Il m’est facile de rappeler certaines constantes qui, en, cette période troublée, sont nécessaires pour bien vivre un christianisme qui ne se crispe pas dans certaines positions d’arrière-garde.


Certes, cet article est à destination des Français dont la théologie est héritière d’une spiritualité du XIX° siècle. Cela explique (en partie) cette obéissance aveugle et ce fidéisme dont tant de gens n’arrivent pas à se détacher, ainsi que de cette mièvrerie spirituelle que même les réformes initiées par le Concile Vatican II ne parviennent pas à  faire oublier. Je ne parle même pas de la mouvance intégriste qui rejette toute Eglise qui à ses yeux est contraire à la pure doctrine :

 

« Hors de l’Eglise (la leur) point de salut »

 

Depuis cette époque déjà lointaine, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du  Tibre. Tout récemment encore, le pape François se rendant à Lund, a souligné la portée des réformes initiées par Luther, et qui sont désormais reconnues par la chrétienté tout entière.
Le chanoine Gibaut souligne les trésors spirituels de la tradition anglicane que la constitution «  Anglicanorum coetibus » met si bien valeur. Qui connait le contenu de cette constitution ? Il faut laisser de côté les aspects purement institutionnels de celle-ci, mais il faut souligner les articles qui reconnaissent les points liturgiques et spirituels qui ont été préservés et développés dans l’anglicanisme.

 

Je lis actuellement les « sermons paroissiaux » de J.H. Newman. Ces écrits furent prononcés vers 1840, assez longtemps avant la conversion de son auteur. En les lisant je me dis qu’il n’avait jamais rencontré, à l’époque, de catholiques-romains mais que sa doctrine était la même que celle de l’Eglise de Rome. On peut déplorer que l’histoire ait fait que cette grande branche du catholicisme ait été mal comprise, c’est un fait mais comme une chemise déchirée, cela se répare.
En relisant cet article de la Croix  et en constatant un peu plus chaque jour les progrès de l’œcuménisme, je me suis dit que l’anglicanisme a quelque chose de fondamental à nous apprendre.


En effet, si, malheureusement, certaines avancées semblent bloquées pour le moment (notamment l’ordination des femmes) on s’aperçoit que les visions catholiques du christianisme s’approchent de plus en plus de ce qui fait la richesse de cette confession chrétienne. Le voyage en Suède du pape François à l’occasion des 500 ans de la Réforme, et les paroles pleines de sagesse qu’il a pu prononcer peuvent nous faire espérer que, progressivement, nous parviendrons à des accords qui sans changer la nature de l’Histoire feront qu’un jour nous penserons «ensemble», l’essentiel.

 

En effet, les Réformateurs du XVIe siècle étaient souvent de bons théologiens, et ils ne voulaient pas créer d’autres Eglises. Ils entendaient réformer, ils utilisaient  les conceptions théologiques de l’époque. C’est ensuite la «Contre-réforme», issue du Concile de Trente, qui a pu durcir les positions. L’anglicanisme a pu vivre dans cette vision de la chrétienté qui s’exprimait avant le XVIe siècle. C’est pourquoi plus de 50 ans après le Concile de Vatican II (1962-1965), nous pouvons voir se dessiner un christianisme qui, loin de se crisper sur des positions d’un autre âge, a pu amorcer un dialogue constructif avec toutes les confessions chrétiennes, et revenir ainsi à des visions qui étaient courantes au Moyen Age…


Nous savons bien que la Communion Anglicane est pleine de divisions, tout comme l’Eglise catholique (romaine), mais alors que cette dernière a toujours voulu être monolithique, on s’aperçoit que l’anglicanisme sait souvent trouver des solutions. La célèbre   «comprehensiveness», qui n’a pas de traduction française, est une manière d’accepter les opinions des autres, sans pour cela y adhérer. Les évangéliques et les membres de la haute Eglise cohabitent sans trop de heurts, alors que dans un esprit français on ne peut être prêtre ouvrier, voter à gauche et accepter de voir se développer de jeunes congrégations dont la soutane reste une bannière.


Il suffit de lire certains sites intégristes et de dire comme de certains émigrés après la révolution «  ils n’ont rien appris, ils n’ont rien oubliée ». Beaucoup de gens oublient que le Concile Vatican II a secoué cette poussière, et que la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ est d’autant plus valable qu’elle touche tous les chrétiens.
Le chanoine Gibaut souligne le fait que la Communion Anglicane est fondée sur un accord et non sur une règle : les anglicans sont unis parce qu’ils veulent faire des choses ensemble…


Alors ? Pourquoi ne pas s’inspirer de leur exemple ?

 

Bernard Vignot
 

 


 

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