Le communisme par le chiffre, l'anecdote et le détail:
Le XXeme siècle voit naître un courant politique novateur qui suscite de grandes espérances. Il promet une société sans classes sociales, égalitaire, fondée sur le partage des richesses, et rejette obstinément l’économie de marché qu’il juge coupable de l’asservissement des travailleurs. L’Union soviétique et la Chine se jettent à corps perdus dans cette nouvelle mouvance. Les deux pays sont aussi démesurés qu’extrêmement peuplés. Ils permettent ainsi à l’utopie communiste de prendre pied sur deux continents et de régir la vie de près d’un quart de l’humanité. Cependant, la séduisante théorie ne passe pas l’épreuve de la pratique.
Dans les faits, la vie des populations bascule dans le tragique. Famines épouvantables, répressions policières terrifiantes, intolérance anti-religieuse, opposition politique muselée, déportations arbitraires, liberté d’expression inexistante… L’espoir se transforme alors en cauchemar. La fin de l’exploitation du prolétariat reste une illusion, et quelques décennies plus tard le bilan économique, social, et humain est effroyable. L’ouverture récente des archives révèle de sordides détails et plonge l’humanité dans la stupéfaction et l’effroi.
Union soviétique : le « paradis » du communisme ?
En 1922, l’URSS (Union des Républiques Soviétiques Socialistes) voit le jour. Elle remplace l’ancien empire tsariste. Le nouveau pouvoir bolchevik impose alors un système politique révolutionnaire et inédit : le communisme. Malheureusement il s’agit d’un rêve trop grand, trop beau, et trop fou. L’euphorie laisse rapidement place à une âpre réalité. Sensé, entre autres, améliorer le quotidien des ouvriers et des paysans, il va au contraire le dégrader. C’est un plongeon morbide dans les ténèbres qui durera près de 70 ans.
Dès leur arrivée au pouvoir, les communistes cherchent à réduire, voire annihiler le pouvoir de l’Eglise. Lénine en trouve un excellent prétexte. La Première Guerre Mondiale et la guerre civile ont précipité le pays dans une misère extrême, et la famine commence déjà à sévir. Ainsi, pour remplir les caisses de l’Etat et acheter des ressources agricoles dans le but de nourrir la population on pille les églises. La plupart des trésors liturgiques sont saisis. Lénine, dont une certaine tradition occidentale tend à protéger la mémoire, affirme alors froidement :
« la famine pourrait être mise à profit pour frapper mortellement l’ennemi à la tête ».
D’autre part, pour saper l’autorité et la légitimité de l’Eglise, les communistes organisent des carnavals lors des fêtes religieuses. Par ailleurs, entre 1929 et 1932, 90% des églises sont fermées.
L’expropriation prend des proportions colossales :
En vue d’une collectivisation totale du pays, les grands propriétaires terriens sont violemment chassés de leurs terres. C’est la dékoulakisation.
Tous les moyens sont mis à œuvre pour atteindre ce but, y compris les plus odieux. En effet, Staline va jusqu’à promettre une partie du butin des koulaks aux paysans pauvres, sans terre, sans bétail ni matériel, pour les mobiliser comme force de frappe.
L’historien Jean-Jacques Marie précise la brutalité et les dérives de ce système :
Violer une femme ou une fille de koulak en lui promettant, si elle ne résiste pas, de ne pas déporter son mari ou son père est un procédé des plus répandus dans cette version dégénérée de la lutte des classes »
Entre 1929 et 1933, 2 200 000 koulaks ou simples paysans opposés à la collectivisation sont déportés en Sibérie, au Kazakhstan, et autres régions extrêmes.
Déportations, goulag, et massacres
La répression de l’appareil soviétique est impitoyable, mais surtout considérable.
Entre 1937 et 1938, durant les purges au sein de l’Armée rouge, 714 généraux sont abattus, soit 2,5 fois plus qu’au cours de toute la seconde guerre mondiale.
De son côté, l’historien Nicolas Werth nous éclaire sur le nombre élevé de crimes commis par le régime soviétique à cette même période :
« Sur les 1 575 000 personnes arrêtées par le NKVD en 1937-1938, 681 692 furent exécutées » (Histoire de l’Union soviétique)
Avant son abolition en 1861, le servage avait facilité l’utilisation massive d’une main d’œuvre peu couteuse, à la mortalité très élevé. Le Goulag réintroduit, en le décuplant et en le raidissant, ce système ancestral.
De 1941 à 1945, le Goulag met à la disposition de l’Armée rouge plus de 1 900 000 déportés et 400 000 prisonniers de guerre à la construction de lignes de chemin de fer, d’aérodromes, de routes.
En Ukraine occidentale, entre 1945 et 1950, les soviétiques déportent 300 000 personnes. Ce chiffre comprend ceux qui ont collaboré avec les Allemands, les insurgés et surtout de simples paysans qui se sont opposés à la collectivisation. Dans les Etats baltes ce sont 400 000 lithuaniens, 150 000 Lettons, et 50 000 Estoniens qui sont déportés.
Par ailleurs, la population carcérale connaît une très forte croissance à partir de 1945, passant de 1 300 000 (début 1945) à plus de 2 500 000 (début 1953).
Jean-Jacques Marie explicite l’absurdité de ce taux d’incarcération titanesque :
Le 24 mars 1953, un dirigeant soviétique, Beria, soumet un document au présidium affirmant que sur 2 526 042 détenus, le Goulag ne compte que 221 435 criminels dangereux pour l’Etat ».
L’URSS, un éden pour les travailleurs ?
Les bolcheviks réquisitionnent les appartements bourgeois. Ils les transforment en appartements communautaires. Pourtant, de nombreux travailleurs vivent dans des foyers crasseux, des wagons désaffectés, des cabanes, ou des zemlianki (trous recouverts de toile ou de branchages). A Novokouznetsk, la surface moyenne habitée par individu est de… 1,27m².
A une autre échelle, les projets d’Etat pharaoniques se multiplient :
En 1930, Staline décide le creusement du canal mer Blanche-Baltique. Le délai fixé est de deux ans. Ceux exigés par Suez et Panama sont pulvérisés. Le socialisme montre ainsi sa supériorité sur le capitalisme. En 2 ans et demi 250 000 détenus (en rééducation par le travail) devront tout faire à mains nues, sans gants, à l’aide de pelles et d’explosifs. 30 000 d’entre eux meurent de faim, de froid, de blessures et de maladies » (J.J Marie, Staline)
Une justice arbitraire et indigne
L’URSS n’offre pas un environnement juridique favorable. Ce dernier s’avère tantaculaire. En 1935, Staline étend la peine de mort aux mineurs à partir… de 12 ans.
D’autre part, en 1947, il édicte un nouveau décret qui punit toute atteinte à la propriété étatique ou kolkhozienne - soit tout vol d’aliment - de peines pouvant atteindre 25 ans de Goulag.
L’imbrication du soviétisme avec le système judiciaire est absolue et installe un système policier-panoptique aux antipodes du lyrisme communiste des adolescents d’Occident :
Le Code pénal de 1960 permettait de punir toute forme de déviance politique ou idéologique (…) L’article 190 condamnait toute « non-dénonciation » de délit d’antisoviétisme d’une peine de un à trois ans de camp » (Nicolas Werth, Histoire de l’Union soviétique)
Chine maoïste : une catastrophe humaine hors d’échelle
Proclamée en 1949, la République populaire de Chine fête en grande pompe le triomphe de son nouveau leader : Mao Tse-Tung. Celui-ci fait une entrée fracassante aux côtés de l’URSS en lançant son pays dans l’aventure communiste. Cependant, le rêve soviétique de la Chine tourne court. Malgré quelques exploits (fort accroissement de l’alphabétisation notamment), le dirigeant chinois accumule les mauvais choix et conduit son pays dans l’impasse. Les conséquences sont dramatiques. Le peuple subit alors l’un des pires cataclysmes de son histoire.
Le conformisme intellectuel est imposé par l’élite communiste à tout le peuple chinois. En 1953, la presse et la radiodiffusion sont happées par le monstre étatique. Dès lors, toutes les informations qui sont diffusées sont d’abord soigneusement élaborées par les organes centraux du Parti, et ensuite distillées par l’agence de presse Chine nouvelle.
Les couches intellectuelles et plus généralement bourgeoise libérale sont l’objet d’une politique spécifique de « réforme de la pensée » : convoqués à tour de rôle dans des sessions de rééducation qui combinent enseignement idéologique, pressions psychologiques et violences physiques, étudiants, avocats, ingénieurs, médecins doivent se rallier publiquement a la doctrine marxiste-léniniste pour devenir des « hommes nouveaux » (Nicolas Werth)
L’appareil répressif d’Etat se met en branle. En 1951, la Terreur rouge frappe aveuglement et abouti à l'exécution de plus d'un million d' « ennemis du régime ».
Par ailleurs, deux millions d’autres personnes sont envoyées dans des camps de travaux forcés. Les fameux « laogai », largement inspirés du goulag soviétique, voient s’entasser propriétaires fonciers, opposants politiques, paysans riches, intellectuels...
L’échec du Grand bond en avant (1958-1962)
Dès 1958, le maoïsme est dans l’Etat. Le grand timonier déclare l’année suivante :
A chaque fois que l’on augmente la production de 10%, on peut considérer qu’il s’agit d’un bond en avant. A 20%, on peut considérer d’un grand bond en avant ».
Le « grand bond en avant » s’avère avoir été une campagne de production et de communisation d’une intensité forcenée. Mao affirme que la Chine peut rattraper en quinze ans le niveau global de production atteint par la Grande-Bretagne. Ce programme de réforme de la société chinoise est trop ambitieux.
La collectivisation totale est lancée. Des communes populaires sont organisées pour assurer l’autosuffisance alimentaire.
Le transfert de plusieurs dizaines de millions de paysans à l’édification de canaux et de barrages va avoir des conséquences dramatiques. Toute cette main d’œuvre manque aux travaux agricoles, et les vivres vont rapidement faire défaut :
une famine démesurée s’ensuit fatalement. On déplore entre 14 et 30 millions de morts. Voici la réalité concrète du « grand bond en avant », rêve administratif déshumanisé.
Conséquence, aussi bête que tragique : Entre 1960 et 1962, la Chine est acculée à importer de l’étranger 16 millions de tonnes de blé, au prix fort.
Le manque de nourriture se généralise, et des cas extrêmes se font jour : en 1960, dans certaines écoles, des foules de lycéens en sont réduites à déjeuner de décoctions de feuilles d’arbres.
Toujours officiellement pays communiste, la République populaire de Chine a dorénavant adopté une économie socialiste dite « de marché ». Cette fusion totalement contre-nature du communisme et du capitalisme a donné naissance à une nouvelle doctrine. Moins meurtrière certes, mais tout aussi liberticide et aliénante : le « commutalisme ».
Jérémie Dardy
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