L'apologétique traditionnelle prévient depuis beau temps: l’humanité est tellement aveugle que même s’il se montrait, Dieu ne serait pas reconnu... Un certain Jésus en sait quelque chose !
Premier argument: c’est du silence du Père que surgit la Parole du Fils (argument de Saint Irénée). Et de fait, toute parole qui n’est pas grosse de silence n’est pas une parole. Chacun sait bien cela : c’est sur fond de silence que la parole prend toute sa légitimité.
Face à l’évidence d’un créateur qui s’exhiberait, les individus seraient forcés de croire, simplement par crainte et non par choix. Les peuples seraient esclaves de leur créateur, ils n’auraient pas la liberté de le choisir ou de le rejeter, leur assentiment serait contraint, une contradiction dans les termes.
Devant l'horreur de la Shoah, des massacres d'innocents et des accusations contre Dieu qui s'ensuivent, le philosophe orthodoxe Bertand Vergely a fermement répondu à ceux qui pensent ainsi pouvoir s'indigner, et jeter l'hypothèse divine aux oubliettes :
« Le silence de Dieu est l’expression de la grande patience de Dieu » (Bertrand Vergely, Le silence de Dieu, 2006)
Au-delà de cette réponse interpelante, nombre de penseurs et théologiens catholiques ont avancé divers arguments pour résoudre cette question angoissante du silence apparent de Dieu. Parmi ceux-ci, certains méritent plus particulièrement notre attention.
« "Nul n'a jamais vu Dieu", dit l'Ecriture. Mais qui donc a rencontré l'homme ? » (Jean-Marie Domenach, Ce que je crois, 1978)
« Son grand principe [à Dieu] semble être de ne jamais se découvrir plus qu’il ne faut, pour que l’âme, même en avançant, ait toujours la même part dans l’œuvre de la foi. Ce n’est pas qu’il se retire : simplement il nous laisse faire de plus en plus » (Jacques Rivière, Carnets de captivité, 14 mars 1917)
« La liberté de notre option exige que Dieu garde une sorte d’incognito, elle demande une certaine ambiguïté, des conditions, en quelque sorte, crépusculaires. » (Yves Congar, Vaste monde, ma paroisse, 1959)
« Dieu nous donne juste ce qu’il faut de signes pour que nous voyions bien qu’il est invisible. Ainsi pouvons-nous avec lui jouer à ce cache-cache à la fois tragique et espiègle comme la musique juive : son esprit d’enfance nous préserve de l’esprit impur » (Fabrice Hadjadj, La foi des démons, 2011)
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