Voyager à Tokyo. Joyeuse folie

 

Politesse exacerbée, rues sans nom, réceptionnistes androïdes, bars à hiboux, gamers surexcités… Tokyo ne finit pas de surprendre. Second voyage dans les entrailles de la mégalopole extravagante.

 

Le choc de l’arrivée

 

Fraîchement débarqué à l'aéroport international de Narita, je m’engouffre dans le Keisei Skyliner, train avant-gardiste desservant la capitale nippone. Le néophyte est d’emblée pris de cours ; à chaque passage dans le wagon, le contrôleur s’arrête tel un automate et exécute un salut réglementaire. Quant à la vendeuse ambulante, elle se plie à un cérémonial non moins révérencieux, ponctué d’innombrables “Arigatou gozaimasu” (merci beaucoup en japonais). Au Japon, c’est comme ça, la politesse vous fond sur vous à tout instant.

 

Arrivé à Shinjuku, mes anciens démons ressurgissent ; la gare la plus fréquentée du monde m’avait donné beaucoup de fil à retordre lors de mon premier séjour. Zigzaguant entre les usagers pressés, je fonce vers la sortie sans reprendre ma respiration. Une fois à l’air libre, un gigantesque centre urbain me fait face et le chemin de l’hôtel reste introuvable. Je sors mon guide ; il ne m’est d’aucune utilité. Cerné par les écrans géants et autres enseignes lumineuses, je soupire les bras ballants. Passons au plan B.

 

Demander son chemin à dix personnes

 

J’avise un cadre dynamique qui fait les cent pas devant un ascenseur translucide ; erreur fatale. Pourquoi ? L’homme au look impeccable me fournira bien des renseignements, mais tous faux ; j’apprendrai à mes dépens que dans la culture nippone, il ne faut jamais froisser son interlocuteur. Trois quarts d’heure de temps et huit autres passants interpellés plus tard, je maudirai cette coutume biscornue. Échauffé, je décide de kidnapper un jeune couple candide afin d’arriver à destination ; pari gagné. Pour ma défense, j’invoquerai le casse-tête des rues qui ne portent (toujours) pas de noms. Pas rancuniers pour un yen, mes guides forcés s’en vont le sourire aux lèvres, en exécutant une courbette en guise d’adieu.

 

Une journée à “Electric Town”

 

Direction Akihabara, LE quartier de l’électronique à Tokyo ; magasins et échoppes dédiés pullulent dans cet arrondissement d’apparence paisible. Les commerces, flanqués de vitrines et enseignes colorées, s’étalent le long d’une immense avenue lumineuse. Connu également comme étant la Mecque du retro-gaming, le lieu est le rendez-vous incontournable des passionnés de jeux vidéo anciens du monde entier ; l’atmosphère est plutôt bon enfant. Seul le sourire aguicheur des serveuses de Maid cafés trouble la quiétude de cet univers enfantin ; leurs costumes de soubrettes ultra sexy, d’un blanc immaculé, ne manquent jamais d’enfiévrer l’imaginaire du geek esseulé. Les "Neko Cafe” ou bars à chats champignonnent également dans les environs. Pour les plus téméraires, il existe le bar à hiboux : c’est “kawai” comme dit jovialement Hiroko, une styliste tokyoïte de 29 ans.

 

Super Potato

 

Intrigué, je m’introduis dans l’un des buildings polychromés ; le bâtiment vomit un flot ininterrompu de personnes. J’esquive comme je peux. Au bout d’un couloir dérobé, un ascenseur m’ouvre ses portes ; j’appuie sur le bouton du 3eme étage. Quelques secondes plus tard, je me retrouve nez-à-nez avec une statue géante de Mario ; bienvenue à “Super Potato", la boutique référence en terme de jeux vintage. À l’intérieur, une caverne d’Ali Baba pour enfants des années 80/90. NES, Master System, GameBoy, Megadrive, Nintendo 64… trônent et garnissent les étagères environnantes ; comptez 4.980 yens (37 euros) pour acheter une Playstation 1, et 22.800 yens (170 euros) pour acquérir une Master System, plus rare.

 

Salle d’arcade

 

Entre les rayons et les rangées de cartouches, des consoles de jeux sont mises à disposition pour jouer ; cela excite immanquablement la fièvre du nostalgique. Pour les plus fanatiques, rendez-vous au dernier étage ; c’est là que se cache une petite salle d’arcade. L’atmosphère est survoltée ; des gamers passionnés se relaient sans cesse pour s’affronter sur les machines. Collés les uns aux autres, vissés à leurs tabourets en velours et le regard plongé dans leur écran, ils s’acharnent convulsivement contre les boutons multicolores.

 

Nicolas, cadre bancaire qui vit en région parisienne, est l’un d’entre eux ; il me lâche :

 

“C’était mon rêve de venir à Tokyo ; je suis là pour une semaine. Super Potato était un passage obligé”. Le trentenaire, un brin excité, poursuit : “Ça fait plus de quatre heures d’affilées que je joue, et je ne suis pas prêt d’arrêter“.

 

Odaiba, la futuriste

 

Embarqué sur un monorail slalomant à vive allure entre les buildings du front de mer, je poursuis ma route vers Odaiba, une île artificielle située au sud-est de Tokyo ; dotée d’un vaste complexe de musées, centres commerciaux, hôtels de luxe, etc., la station balnéaire urbaine tranche par son calme avec la frénésie du centre-ville. Parmi les attractions du moment, un robot géant d’une vingtaine de mètres –  inspiré de la série Gundam – plastronne devant le Diver city Tokyo plaza ; autre divertissement hors norme : une jeune femme androïde chargée de l’accueil dans un mall démesuré. Elle diffuse des indications en anglais, japonais et chinois.

 

America, une touriste mexicaine de 22 ans croisée devant une réplique de la statue de la Liberté, me livre ses impressions sur l’endroit : “J’ai le sentiment d’avoir atterri sur une autre planète ; on se croirait dans le futur”. Au-delà du folklore local, elle me confie adorer Tokyo : “Ici tout est propre et bien ordonné ; il n’y a aucun déchet par terre, pas de dragueurs insistants non plus… ça change de chez moi !”

 

Jérémie Dardy

 

 

Pour aller plus loin

 

kikoeru.org

 

francejapon.fr
 

 


 

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