La théologie de Joseph Moingt, son rapport critique à la foi catholique

 

L'impératif du regard critique envers la foi oblige-t-il le croyant au scepticisme? Le fait qu'il y ait plusieurs versions de l'Ecriture implique-t-il qu'il faille relativiser son contenu?

 

A plus de 100 ans, le théologien Joseph Moingt  verserait dans l’insolence théologique. C’est du moins l’avis de l’aile dure de l’Eglise catholique, qui lui reproche d’avoir quitté le champ de la vérité théologique pour rejoindre les falsificateurs gauchistes de la religion. De fait, le vieux jésuite anticonformiste semble avoir pris certaines distances avec, sinon la foi catholique romaine, du moins sa traduction dogmatique officielle.


Sans prétendre juger de surplomb les affirmations théologiques de Joseph Moingt (ce serait obscène et byzantin), nous pouvons peut-être fournir au lecteur des éléments de réflexion, afin qu’il puisse se faire une idée sur le cas « Joseph Moingt ».

 

 

Joseph Moingt, la tentation d’une théologie concordiste ?

 

 

Contester le fait que Dieu soit réellement apparu aux apôtres après sa Résurrection, ne pas croire au péché originel et le revendiquer, cela fait-il de vous, si vous vous présentez théologien chrétien, un menteur ? La question est écrasante, périlleuse.
Tenter de lui répondre frontalement, c’est totalement se découvrir.

 

Certains vertiges théologiques, qu'ils soient réactionnaires ou gauchistes, plongent fatalement dans l'erreur… et l’on est tenté de reprocher à Joseph Moingt une certaine trahison : la trahison du sachant qui abandonne aux masses la charge ingrate de croire aux miracles concrètement, pour-de-vrai, face à l’hilarité générale.


Le théologien subtil saura, lui, produire un discours suffisamment perfectionné pour échapper au reproche d’être une buse, un naïf. Ce que Jésus ordonne dans les Evangiles, au fond, est-ce bien ce qu’on y lit ? Ne peut-on se ménager quelques excuses aux yeux du monde pour éviter de passer pour un âne ? Ici, beaucoup jugeront les affirmations de Joseph Moingt plutôt dilatoires, sinon fausses :


"L’Evangile ne donne pas de préceptes de religion, il apprend aux hommes à vivre en hommes" (Croire quand-même)


"La résurrection de Jésus n’a jamais été expérimentée qu’en esprit, et il ne pouvait en être autrement" (Croire au Dieu qui vient)


"Les apôtres ont seulement ressenti en eux-mêmes que Jésus était ressuscité. Son cadavre a peut-être été jeté dans une fosse commune, par exemple" (La Vie, 31/10/2014)

 

 

Les dogmes sont-ils trop lourds à porter ?

 

 

En clair, la théologie de Joseph Moingt offrirait au croyant la possibilité d’alléger le poids des dogmes et des croyances qui croulent sur ses épaules. La résurrection, le péché originel, tout ce fatras anxiogène pourrait être mis entre parenthèses : non pas nié, mais contourné, relativisé… on soufflerait enfin, et il serait possible de se dire chrétien ET progressiste d’un même souffle.

 

A vrai dire, tout cela fleure un peu la facilité. Le sens originel et perpétuel de l’existence chrétienne, n’est-ce pas justement d’annoncer une bonne nouvelle qui paraît INCROYABLE aux contemporains de chaque époque ?


Certes oui, l’institution catholique a ajouté bien des choses au message évangélique originel, mais ne tombe-t-on pas dans l’apostasie lancinante lorsqu’on édulcore le cœur de notre héritage spirituel ? Sans sombrer dans l’identitarisme religieux, nous pouvons nous interroger sur la pertinence des déclarations de Joseph Moingt. Être moderne est une bonne chose, certes, mais la modernité est-elle la question en jeu lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la validité des Ecritures saintes ?


N’est-ce pas un peu répondre « oui ! » à la question du temps qu’il fait ? Joseph Moingt est un immense théologien, mais nous craignons qu’il ait un peu choisi un « camp ». Si les mots ont un sens, le vrai n’est pas le vraisemblable. Tout faire pour rationaliser la parole de Jésus aboutit à une neutralisation de son message, proprement INCROYABLE. Assumer cette part d’incroyable, c’est une façon intéressante d’essayer d’être chrétien, par-delà droite et gauche.

 

Pierre-André Bizien

 

 

Pour aller plus loin

 

Catherine Roux


Vidéo Joseph Moingt

 

 

 


 

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