Quand Platon et l'Islam se complètent et s'harmonisent

 


Certains auront tôt fait de remarquer que des correspondances voire des similitudes surprenantes existent à la fois entre les religions, ainsi qu’entre les diverses civilisations dont on a une trace historique.

 

C'est pourquoi nous pouvons souvent lier, çà et là, certaines idées remarquables entre elles, bien que provenant de diverses époques et civilisations qui n'ont a priori rien en commun.


Toutefois, cela ne semble pas si surprenant que cela lorsque l'on envisage les choses du point de vue de la Vérité métaphysique. C'est-à-dire, l'entière compréhension des causes et conséquences du monde intelligible (non matériel), entendue comme la spiritualité ou la connaissance du divin et de toutes choses. De fait, puisque la Vérité n'est la propriété de personne mais la possibilité de l'être à l'accès de la spiritualité, chaque civilisation y tire son origine ou principe et s'en écarte plus ou moins.


La correspondance que nous souhaitons mettre ici en évidence concerne deux modes et formes de pensées qui semblent, de prime abord, complètement différents. Mais en les envisageant non par leur forme mais par leur fond, nous chercherons à en dégager d'étonnantes similitudes.
Aussi posons-nous la pensée platonicienne en relation avec l'Islam. Particulièrement, l'Allégorie de la caverne de Platon en relation avec la Sourate 18 du Coran (Al Kahf qui signifie la caverne) considérée comme une sourate protectrice qui permet à l'homme de ne pas se perdre dans la tentation.

 

Vous l'aurez compris, cette sourate a diverses portées et notamment métaphysique (au-delà des sciences de la nature), tout comme l'Allégorie.
Pour ce qui est de la pensée platonicienne, c'est une pensée qui est constamment tournée vers le but suprême de l'être, à savoir l'accession au monde de l'intelligible et l'union au principe de toutes choses, c'est donc bel et bien une doctrine spirituelle que Platon évoque constamment. Il semble judicieux de choisir l'Allégorie car c'est à la fois un des passages les plus connus, mais également parce qu'il est plus aisé d'y comprendre la portée métaphysique. Enfin, parce que c'est ce qui se rapproche le plus de la Sourate Al-Khaf, et vous allez comprendre pourquoi.


Si nous considérons plus attentivement le terme « caverne », que nous trouvons dans ces deux textes, nous remarquons aisément que pour toutes les traditions, celle-ci symbolise à la fois la spiritualité, mais également le ventre de la femme.

 

Sachant cela, nous pouvons conjecturer que dans les deux cas, il va s'agir d'exposer la voie spirituelle suivie par les initiés (ce sont ceux qui sont dans une démarche spirituelle, c'est-à-dire qui décident d'œuvrer par leur esprit).
Ce qui est étonnant c'est que nous voyons deux schémas se former : dans l'Allégorie de la caverne, des hommes se trouvent dans cette dernière, l'un d'eux parvient à en sortir puis redescend dans celle-ci.


Dans la Sourate 18, nous remarquons un schéma inverse, car les hommes sont d'abord dans le monde des sens ou de la matière, puis entrent dans la caverne et seuls quelques-uns en ressortent.
La forme de ces deux récits offre d'emblée une relation étroite.

 

En poussant l'analyse nous comprenons ce qui s'ensuit. Lorsque l'homme est symboliquement dans la caverne, cela signifie que ce dernier est dans une démarche spirituelle. Dès qu'il en sort, il parvient à la réalisation, du moins pour l'Allégorie. La réalisation étant l'union au principe, ou autrement nommé la jonction à Dieu, amenant à la connaissance totale.

 

En effet, si la caverne se rapporte au ventre de la femme, alors cette sortie est une sorte de seconde naissance. La première naissance étant celle de l'homme et de son individualité, celle-là est celle de sa spiritualité ou plutôt de la spiritualité, car il n'y a aucune possession dans ce qui ne touche pas la sphère du corporel.

 

La symbolique dans chaque texte est bel et bien véritable, puisque dans l'Allégorie l'homme qui sort de la caverne va y retourner car « se souvenant de sa première demeure et de la sagesse que l'on y professe ». Entendu que dans la caverne, réside un enseignement qui est une préparation à la vie spirituelle et au détachement de l'homme à son ego.

Mais il faut ajouter que s'il est dit « première demeure », c'est que Platon estime que lorsque l'on naît et avant que l'on ait pu faire des expériences corporelles, l'être humain possède la spiritualité, qui par suite se voilera au profit de ses expériences corporelles, et qu'il s'agira de retrouver par la réminiscence ou souvenir de notre point de départ et origine. De plus, on peut aussi comprendre que cet homme a pu être extrait très tôt du monde extérieur, de fait sa sortie sera nécessaire afin que ce dernier se réalise après qu'il ait eu les enseignements sur la voie dans la caverne.

 


Alors que dans la Sourate, la caverne préserve les croyants et ils y restent endormis pendant trois cent ans et neuf années, ce qui signifie qu'ils sont hors du cadre spatio-temporel humain. Ce qui indique que s'ils ne sont plus dans le champ humain, c'est qu’ils sont dans la spiritualité. En témoigne le fait qu'ils sont endormis, c'est-à-dire que leurs sens ne sont plus en éveil.

 

Qui plus est, chaque chiffre représente l'ascension dans la voie spirituelle. Le trois représente la manifestation, qu'elle soit terrestre, intermédiaire ou céleste. C'est la connaissance de cette dernière que les gens de la caverne commencent à avoir. Le zéro est quant à lui le symbole du non-être, c'est-à-dire ce qui n'est pas et ne sera jamais, mais également ce qui peut advenir. En somme il représente la connaissance de la possibilité universelle.

Enfin, le neuf représente la réalisation spirituelle en elle-même. Si bien que l'addition de ces nombres correspond à douze qui marque l'accomplissement, la plénitude. On comprend qu'à l'inverse de l'Allégorie, c'est le fait de rester dans la caverne qui permet à ces hommes de se réaliser spirituellement, et ce parce qu'ils connaissent de prime abord le monde matériel.

 


Il nous faut aussi aborder l'importance que revêt le soleil dans ces deux passages. Dans les deux cas, il représente la Connaissance, et a souvent été pris pour symboliser Dieu (ou ce que l'on nomme aussi l'Infini), par son rayonnement sur toutes les choses qui existent.
En effet, comme on peut le remarquer chez les Égyptiens, Râ était le Dieu soleil auquel toutes les autres divinités se rapportaient, comme parties de ce dernier.

 

Nous pouvons noter que, dans l'allégorie, la dernière chose qui est contemplée est le Soleil, où la vérité. Aussi l'homme après les différentes préparations et grâce à ses qualifications qui lui ont permis de sortir de la caverne, parvient à la réalisation complète en contemplant (non de façon corporelle mais spirituelle) le divin.
Tandis que dans Al Kahf, nous remarquons que Dieu tourne les hommes de la caverne de droite à gauche, selon la course du soleil (de l'est à l'ouest). Cela signifie qu'ils sont dans la marche de la connaissance divine.


Enfin nous remarquons dans chacun de ces textes l'importance de délivrer cette connaissance aux hommes. Que ce soit les hommes de la foule dans la Sourate, où des hommes déjà éclairés dans l'Allégorie (puisqu'il s'agit des hommes de la caverne qui sont déjà des initiés).


Aussi, nous reconnaissons que le rayonnement de la connaissance n'est pas la propriété d'un homme ou des hommes, tout comme la pensée. Il faut faire connaître ce message à tous et ne laisser personne en dehors d'une portée qui dépasse l'homme, la connaissance. Selon nos moyens et capacités, nous pourrons la comprendre partiellement ou dans sa totalité.

 

Ceci étant, cet approfondissement tend à montrer que nous devons envisager les diverses civilisations non sous le prisme de la différence mais de la ressemblance. De fait, nous devons nous engager dans une voie de respect et de tolérance, l'ouverture d'esprit nous permettant de comprendre qu'entre toutes choses et civilisations existantes, il n'y a finalement qu'une différence purement formelle et que le fond reste constant et inchangé. La variété des formes n'étant due finalement qu'aux diverses époques et sentimentalités associées à un peuple donné.


Ne nous noyons alors plus dans les méandres de la forme qui ne nous permet d'atteindre aucune connaissance possible, car ce qui est formel change constamment, aussi, aucune vérité constante ne peut être établie par cette dernière.

 

Eve Chellal

 


 

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