Quelques théologiens chrétiens contemporains

 

John P. Meier

 
Né en 1942, John Paul Meier est un prêtre catholique américain de l’archidiocèse de New-York. Docteur en sciences bibliques, professeur de Nouveau Testament, il enseigne actuellement à l’université Notre Dame (Indiana). Il a par ailleurs été rédacteur en chef du CatholicBiblicalQuarterly. Meier peut être considéré comme l’un des plus grands exégètes contemporains ; son œuvre majeure, Un certain juif, Jésus, consiste en une enquête monumentale sur le personnage historique qui deviendra le Christ des chrétiens. Publié en quatre volumes récemment traduits en français, ce travail relève d’une scientificité radicale mais jamais aride. L’auteur, animé par une probité intellectuelle rigoureuse, démontre que foi et histoire ne sont nullement inconciliables.

 

Son travail vise à anéantir les diverses légendes théologiques qui surnagent encore au sein de l’Eglise, sans tomber dans la démythologisation bultmannienne ; ce décapage audacieux bouscule la foi du croyant, mais lui offre une assise intellectuellement plus solide. Tout l’apport théorique de Meier réside dans la prise au sérieux de la judéité de Jésus, laquelle conduit à une déconstruction du Jésus américain, universitaire et occidental : l’opposition traditionnelle de la Loi à l’Amour n’a dès lors plus aucun fondement, l’enseignement de Jésus est délesté de sa mièvrerie séraphique, et Meier nous le restitue plus anguleux que jamais.

 

 

Jürgen Moltmann

 


Né en 1926, Jürgen Moltmann est l’un des plus éminents théologiens protestants allemands de notre époque. Il a notamment écrit Théologie de l’Espérance, et Le Dieu crucifié.Jeune homme, il découvre la foi alors qu’il est prisonnier de guerre. Cette expérience difficile inspirera chez lui une théologie de la croix originale : par sa radicalité existentielle, la croix doit incarner la critique fondamentale de toute théologie, plus sévère par essence que toute critique externe imaginable (sociologie, sciences humaines…). La croix est donc le critère absolu de vérité, puisque le plus exigeant. Audacieux, Moltmann en appelle au dépassement du vieux concept monothéiste – générant la servitude – parla notion de Trinité relationnelle, porteuse de liberté, d’œcuménisme ;l’Eglise-tutelle doit muter en Eglise-communauté, décléricalisée, celle de la fête et de la joie.

 

"Le rire de l’univers est le ravissement de Dieu", nous confie-t-il profondément. L’armature de la théologie moltmannienne est renforcée par des emprunts à la réflexion orthodoxe (développements sur l’Esprit, la Trinité), et au judaïsme (le concept de théologie pathétique). Plus tangible, son traité écologique de la création amorce une réflexion sur la destruction mécaniste de la terre ; fruit d’un malentendu terrible, la domination de la nature par l’homme a évacué de la création sa dimension sabbatique. 

 

 

Miroslav Volf

 


Né en 1956, épiscopalien américain d'origine croate, Miroslav Volf enseigne la théologie systématique à la Yale DivinitySchool, dans le Connecticut. Il a notamment écrit Exclusion and Embrace (1996) et Free of Charge (2005). Largement inconnu en France, cet intellectuel jouit d’une notoriété médiatique appuyée outre-Atlantique. Ses travaux, que l’on pourrait qualifier de méta-œcuméniques, visent à ériger des passerelles entre les traditions religieuses et culturelles du temps présent. Au prix de certains raccourcis théoriques, Volf cherche à réconcilier les croyants de ce monde, en démontrant que les accointances confessionnelles priment sur les divergences attenantes ; ainsi en va-t-il du christianisme et de l’islam, artificiellement séparés par une suite de malentendus historiques.

 

Le noyau de son œuvre procède de l’académisme subversif, un courant au sein duquel des opinions populaires largement partagées sont qualifiées d’audacieuses. Volf se réclame de l’héritage de Nicolas de Cues, ce théologien médiéval connu pour son ouverture à l’altérité religieuse. Jürgen Moltmann est son autre inspirateur. Enfin, ses réflexions entremêlées sur la globalisation, la géopolitique et le don de soi pour l’autre ancrent sa théologie dans l’actualité la plus immédiate. Une leçon de présence évangélique concrète au cœur du monde.

 

 

Eberhart Jüngel

 


Né en 1934, Eberhart Jüngel est un théologien luthérien allemand de première importance, qui enseigne la théologie systématique et la philosophie de la religion à la faculté de Tübingen. Auteur de la somme Dieu, mystère du monde, il revisite la pensée de Luther et d’Hegel au profit d’une réflexion sur l’usage protéiforme du terme "Dieu" ; prenant acte de la critique nietzschéenne proclamant la mort de ce dernier, il cherche à contourner l’athéisme en refondant un concept divin plausible pour notre temps. Prétention colossale. Pour ce faire, notre auteur ouvre des pistes en interrogeant les rapports entre vérité et certitude. Cette entreprise le mène à une situation singulière, en tant que protestant : se réapproprier la question des preuves de Dieu.

 

Plus fondamentalement, proclamer que décidément oui, Dieu est pensable, contrairement aux affirmations répétées d’une certaine élite philosophique. Par ailleurs, la théologie contemporaine lui inspire des réflexions radicales : «Dieu peut être pour ainsi dire tué par le discours, il peut être justement passé sous silence par les paroles mêmes qui veulent en parler», ou encore : «Dans la théologie actuelle, on écrit trop et trop vite, mais on pense trop peu». Au final, c’est la théologie elle-même qui doit être intégralement refondée. 

 

 

Christos Yannaras

 


Né en 1935, Christos Yannaras est un théologien grec francophone, de confession orthodoxe. Membre de l’Académie internationale des sciences religieuses, auteur remarqué de La foi vivante de l’Eglise, il est actuellement professeur de philosophie à Athènes. Toute son œuvre est orientée vers un objectif ambitieux : rénover la philosophie contemporaine à la lumière de la théologie orthodoxe, par le biais de notions helléniques réactivées (l’éros notamment). Surtout, Yannaras est un adversaire irréductible du catholicisme occidental, qu’il accuse avec passion de tous les maux.

 

Premier point de litige : la notion de vérité, pervertie depuis le Moyen Âge par la tradition scolastique latine. Or, le critère de la vérité n’est pas envisageable d’après les règles d’une autorité juridique extérieure, d’une rationalité logicienne, mais plutôt selon l’expérience commune ecclésiale que figure l’interaction trinitaire : il s’agit de l’expérience que propose le modèle orthodoxe, clé ultime du juste et du vrai. Le crime des latins, c’est d’avoir osé réduire la vérité à sa formulation conceptuelle, puis d’avoir conquis le monde en l’entraînant dans sa dégénérescence intellectuelle. La civilisation orthodoxe est donc invitée à se purifier des souillures que propage le mode de raisonnement occidental (juridisme, athéisme, individualisme). Concrètement ces accusations reposent, livre après livre, sur des argumentations spécieuses, frôlant le chauvinisme spirituel.

 

 

Wolfhart Pannenberg

Né le 2 octobre 1928, WolfhartPannenbergest un théologien luthérien allemand de très haute stature. Il a notamment été professeur de théologie systématique à la Faculté de théologie protestante de Munich. Ses réflexions et ses œuvres concernent plusieurs champs théoriques, notamment la christologie et l’œcuménisme. On retiendra notamment Métaphysique et idée de Dieu, ainsi que sa monumentale Théologie systématique. Influencé par Edmund Schlink, Barth et Hegel, Pannenberg confronte l’idée de Dieu aux développements philosophiques d’Heidegger.

 

Au travers de la complexité apocalyptique de certains de ses écrits, nous devons retenir son intuition lumineuse à propos de l’avènement du Christ dans le monde : celui-ci ne vient pas d’ "en-haut", mais plutôt d’ "en-dessous". Aussi, on appréhende véritablement Jésus par le biais de la résurrection, événement radicalement historique et crédible. D’autre part, le futur du Christ ne nous est ouvert que pas son histoire passée ; symétriquement, la division de nos Eglises doit devenir notre passé commun…  notre devoir de chrétiens étant de refonder notre œcuménisme au feu d’un regard régénéré.

 

 

Pierre-André Bizien

 


 

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