Le siège d'Alésia (52 av J-C) - La bataille décisive de la guerre des Gaules

 

En 202 avant notre ère, la défaite de Carthage lors de la deuxième guerre punique propulse Rome au rang de superpuissance méditerranéenne. Forte de cette position, la République romaine étend ses conquêtes en Orient et en Occident. Aussi, au Ier siècle avant J-C, Rome maîtrise un espace qui englobe les rives septentrionales et orientales de la Méditerranée. Dans ce contexte, l’invasion de la Gaule (58 à 51 av. J-C) par Jules César marque une étape fondamentale dans la mainmise de Rome sur l’Europe. Pourtant, en 52 avant J-C, l’insurrection menée Vercingétorix a failli mettre un terme à la soumission de la Gaule par les Romains. Dès lors, la défaite des forces gauloises à Alésia apparaît comme un exemple type de « bataille décisive ».

 

 

LA BATAILLE DÉCISIVE, UNE NOTION EN QUESTION

 


L’influence de Clausewitz

 

 

L’idée de « bataille décisive » est profondément ancrée dans la pensée militaire occidentale. Au XIXe siècle, elle fut théorisée par Car von Clausewitz dans son ouvrage De la Guerre (1832). Bien que l’auteur prussien n’emploie pas cette expression, il en définit néanmoins les principes de la manière suivante (Livre IV – XI) :

 

« 1. La destruction des forces ennemies est le principe primordial de la guerre et, dans l’action positive, la voie la plus directe vers le but.
2. C’est fondamentalement dans le cadre de l’engagement qu’a lieu cette destruction des forces.
3. Il faut de grands affrontements pour obtenir de grands succès.
4. La jonction de nombreux engagements en une bataille permet les succès plus amples.
5. Ce n’est que dans la bataille générale que le chef de guerre dirige personnellement la manœuvre ; il est tout naturel qu’il se fie à lui-même. »

 

Au regard de son expérience des guerres de la Révolution et de l’Empire (1792-1815), Clausewitz considère que la bataille ne peut être que « la guerre en concentré, le centre de gravité de l’ensemble du conflit ou de la campagne ». Mieux encore, il affirme que  « toutes les fois où on ambitionne de s’attaquer aux œuvres vives de l’ennemi, à ses intérêts vitaux, c’est la bataille qui en est le moyen le plus naturel ». De son point de vue, la bataille est donc le moment où un conflit armé atteint son paroxysme . Dans l’idéal, cette confrontation doit départager les belligérants et mettre un terme à leur antagonisme. Cependant, de l’aveu de Clausewitz, les batailles décisives sont rares car leurs conséquences ne dépendent pas uniquement des facteurs situés à l’échelon tactique. En effet, ce sont les effets politiques et stratégiques d’un affrontement qui déterminent s’il est décisif.

 

Pour autant, au XXe siècle, l’expérience des conflits mondiaux remet en cause le concept de « bataille décisive » au profit de celui de « materialschlacht » (bataille de matériel). Désormais, à l’heure de la « guerre totale » les batailles prennent l’allure de gigantesques confrontations qui durent plusieurs semaines ou plusieurs mois. De ce fait, ce sont moins les manœuvres sur le champ de bataille que la capacité de l’industrie à produire davantage d’équipement que l’adversaire qui est censée assurer la victoire. Paradoxalement, si la recherche d’une seule et unique « bataille décisive » est devenue illusoire, la « materialschlacht » et la guerre moderne d’attrition sont pourtant nées de la volonté de détruire un adversaire par tous les moyens disponibles. Ainsi, en dépit de l’essor des complexes militaro-industriels et d’une vision quantitative de la quête de la victoire, l’idée de « bataille décisive » reste prégnante dans l’histoire militaire traditionnelle. Il convient désormais de l’appréhender au regard des évolutions de l’historiographie.

 

 


La « bataille décisive », une approche historiographique

 

 

Pendant plusieurs siècles, les historiens ont accordé aux guerres une place singulière dans l’écriture de l’histoire. En France, à la fin du XIXe siècle, l’École méthodique a poursuivi cette tradition en se focalisant sur les grands événements politique, institutionnel et militaire de son temps. Aussi, à une époque où se forge le « roman national », certaines batailles apparaissent comme plus importantes que d’autres de par leurs conséquences militaires et / ou leur charge symbolique. Au XXe siècle, face à l’essor de l’École des Annales, « l’histoire-bataille » cède sa place au profit d’une histoire structurelle centrée sur le temps long. En tant qu’objet d’étude, la bataille est donc rejetée hors du champ universitaire au profit de thématiques sociétale, économique et culturelle. Cependant, malgré cette évolution épistémologique, elle demeure un sujet primordial parmi les historiens militaires.

 

En réalité, au sein des armées, la formation des sous-officiers et des officiers implique une étude des conflits passés et contemporains. Les batailles sont ainsi analysées du point de vue du commandement afin d’en tirer des leçons tactiques et stratégiques. Souvent écrite par des militaires, l’ « histoire-bataille » se manifeste par une héroïsation des généraux et des décideurs politiques. Dans ces conditions, l’examen des affrontements jugés décisifs par les historiens militaires est renforcé par un style proche de l’épopée. En dépit des guerres mondiales, l’histoire militaire classique perdure dans cette forme jusqu’aux années 1960. Pourtant, en 1946, la publication de l’Étrange défaite de « l’annaliste » Marc Bloch, ouvre la voie vers une nouvelle manière de procéder à l’étude historique des conflits.

 

À partir des années 1970, l’émergence d’une « nouvelle histoire-bataille » se traduit par la parution de deux ouvrages majeurs : Le dimanche de Bouvines de Georges Duby (1973) et l’Anatomie de la bataille de John Keegan (1976). À propos du premier, le médiéviste Jacques Le Goff affirmait que Duby « a été le pionnier du retour de l'événement dans l'historiographie, en montrant qu'il n'est que la pointe de l'iceberg et que l'histoire-bataille ne peut désormais se faire qu'au terme de l'étude d'un processus convergent de changements militaires, sociaux, politiques et culturels marqués par l'évolution des mentalités et des sensibilités ». Quant au livre de Keegan, il rompt avec l’histoire militaire  vue des états-majors pour reconstituer les batailles d’Azincourt, de Waterloo et de la Somme telles que les ont vécues les hommes du rang.

 

Toutefois, ces changements dans la manière d’écrire l’histoire de la guerre ne sonnent pas le glas des interrogations autour de l’idée de « bataille décisive ». Au contraire, en s’appropriant la démarche initiée par Keegan et en la transposant à l’Antiquité, l’américain Victor D. Hanson émet l’hypothèse que le « modèle occidental de la guerre » est né dans la Grèce classique (1989). Cet héritage issu de la phalange hoplitique aurait ainsi influencé la culture militaire européenne à travers la recherche du choc frontal et de l’engagement décisif. Dans ce contexte, étudier le siège d’Alésia en tant que « bataille décisive » implique d’examiner la manière dont les Romains et les Gaulois combattaient.

 


LES ARMÉES ROMAINES ET GAULOISES AU Ier SIÈCLE AV. J-C

 


Les légions : fer de lance de l’impérialisme romain

 

Au lendemain de la seconde guerre punique (218 - 201 av. J-C), la République romaine se lance dans d’importantes conquêtes. Lors de cette phase d’expansion, les légions connaissent des mutations qui les font évoluer d’une force de citoyens-soldats à une armée de combattants professionnels. En effet, jusqu’à la réforme du consul Marius, en 107 av. J-C, le recrutement des légionnaires se fait sur une base censitaire. Ainsi, sauf en cas de nécessité, seuls les citoyens qui ont les moyens de financer leur équipement sont mobilisés. Néanmoins, au IIème siècle av. J-C, l’éloignement des théâtres d’opération implique de facto un allongement de la durée des campagnes et du service sous les armes. Ce fait, combiné aux  difficultés rencontrées par Rome face aux Cimbres et aux Teutons (113 à 101 av. J-C) et pendant la guerre de Jugurtha (112 à 105 av. J-C) a accéléré la transition vers une armée permanente composée de volontaires. Au Ier siècle avant J-C, les légionnaires romains sont donc des professionnels de la guerre aguerris, tant par les conquêtes que par les guerres civiles.

 

À l’époque de César, une légion comprend environ 5000 hommes dont 1200 fantassins légers (vélites) qui sont répartis en dix cohortes. Chaque cohorte regroupe trois manipules de 160 fantassins qui sont elles-mêmes divisées en deux centuries. En revanche, la première cohorte d’une légion compte cinq centuries doubles soit 800 hommes. Enfin, 120 cavaliers viennent en appui de l’infanterie pour être employés comme éclaireurs et estafettes. Aux citoyens romains qui servent comme légionnaires, s’ajoutent des auxiliaires (auxilia) recrutés parmi les alliés (socii) et les amis (alli) de Rome. Ces  supplétifs sont généralement des fantassins légers et des cavaliers dont les spécificités complètent celles de l’infanterie romaine. Lors de la guerre des Gaules, Jules César dispose donc d’unités aussi diverses que des cavaliers espagnols, des fantassins numides, des archers crétois, des frondeurs des Baléares ainsi que des combattants gaulois et germains.

 

En ce qui concerne leur équipement, les légions romaines bénéficient d’un armement standardisé depuis la réforme marianique. Sur le plan offensif, le légionnaire utilise un javelot lourd (pilum) composé d’un manche en bois de 1m50 et d’un fer quadrangulaire long de 50 à 60 centimètres. D’une portée comprise entre 25 et 40 mètres, le pilum a la particularité de se plier à l’impact ce qui le rend inutilisable par l’ennemi. En outre, c’est une arme dont les capacités de pénétration sont redoutables comme l’illustre cet extrait des Commentaires sur la guerre des Gaules (Livre I - XXV) :

 

« Nos soldats, lançant leurs javelots, d’en haut, rompirent facilement la phalange des ennemis. Les Gaulois étaient fort empêtrés pour combattre: plusieurs de leurs boucliers étaient percés et cloués ensemble par des javelots qui les avaient frappés du même coup ; le fer s’était recourbé ; ils ne pouvaient ni l’arracher ni, leur bras gauche gêné, combattre commodément ; un nombre, après avoir longtemps secoué leur bras, préfèrent jeter bas leurs boucliers et combattre à découvert. Finalement, accablés de blessures, ils commencèrent à lâcher pied et à se replier vers une montagne, à mille pas environ. »

 

Pour le combat au corps-à-corps, le légionnaire utilise un glaive qui dérive des épées celtibères (gladius hispaniensis). Il mesure de 60 à 90 cm de long et permet de frapper à la fois d’estoc et de taille. Quant à la panoplie défensive d’un fantassin lourd, elle comprend une cotte de mailles annulaire (lorica hamata) à laquelle se substitue parfois une cuirasse à écailles (lorica squamata). Le légionnaire dispose aussi d’un bouclier long (scutum) de forme ovale ou rectangulaire qui mesure de 110 à 120 cm de haut pour 60 à 70 cm de large. Il est doté d’un cerclage métallique pour le protéger des coups de taille et d’un « umbo » au centre. Cette pièce bombée protège à la fois la main du combattant et permet de détourner certains coups. Par ailleurs, à l’époque tardo-républicaine, le légionnaire est coiffé d’un casque en bronze qui appartient au type « Montefortino » ou au modèle « Coolus-Manheim ».

 

En sus de cet équipement, la supériorité militaire des Romains réside dans un encadrement et un entraînement rigoureux des soldats. Concrètement, en opération, cette excellence se manifeste par un art sans équivalent de la castramétation, des techniques  de siège et par une organisation tactique ingénieuse. Au cours d’une bataille, la formation en « triplex acies » consiste ainsi à déployer les unités sur trois lignes et en quinconce. La première ligne est occupée par les « hastati », la seconde par les « principes » et la dernière par les vétérans, les « triarii ». Chacune de ces lignes s’étire alors sur huit rangs de profondeur. Au devant de ce dispositif, les vélites sont disposés en tirailleurs afin de harceler et d’affaiblir l’ennemi avant le choc. Plus complexe mais plus flexible que la phalange gréco-macédonienne, cette formation a assuré la supériorité des Romains face à de nombreux peuples, et notamment les Gaulois.

 

 

L’art gaulois de la guerre

 

 

Loin des masses hurlantes et désorganisées que décrivent les sources gréco-latines, les armées gauloises témoignent d’un art de la guerre perfectionné. En réalité, au Ier siècle avant notre ère, la fragmentation politique de la Gaule et les rivalités entre peuples, font de la guerre un phénomène omniprésent dans cette contrée. D’après la description qu’en livre Jules César, la « Gaule chevelue » est divisée en trois espaces : la   Gaule celtique, l’Aquitaine et la Belgique. Ces territoires sont occupés respectivement par les Celtes gaulois, les Aquitains, d’origine ibère ainsi que par les Belges qui sont un agglomérat de populations celtes et germaniques. En plus de ces divisions ethniques et linguistiques, chaque peuple occupe un territoire sur lequel il est organisé en « cité », c’est-à-dire en une fédération de tribus. Au moment de l’invasion romaine, les deux plus importantes d’entre-elles sont celles des Éduens et des Arvernes qui entretiennent un fort antagonisme.

 

Du fait de ces divisions politiques, chaque peuple de la Gaule détient la capacité de lever ses armées. Peu homogènes et d’une taille variable, les contingents (corios) urbains et tribaux sont sous la responsabilité du « corionos » qui est un chef nommé ou élu. Chaque contingent est aussi divisé en « slougos », selon les particularités de chaque nation ou selon les choix effectués par le corionos. Au niveau tactique, le « drungos » est l’équivalent gaulois de la cohorte romaine mais ses effectifs varient de 400 à 800 soldats. Dans le cadre d’une alliance entre plusieurs peuples, un conseil de chef procède à l’élection d’un stratège, le « cingétorix », qui signifie « chef ou roi des guerriers ». Pour autant, celui-ci ne dispose pas d’un pouvoir absolu et doit constamment négocier avec les autres chefs au sein d’un conseil militaire. En 52 av. J-C, il en est ainsi de Vercingétorix, qui malgré son titre de roi des Arvernes, doit composer avec les intérêts de ses alliés :

 

« On délibère dans l’assemblée sur le sort d’Avaricum : convenait-il de la brûler ou de la défendre ? Les Bituriges se jettent au pied des autres Gaulois ; ils demandent qu’on ne les force pas à mettre le feu de leurs propres mains à une ville qui est la plus belle peut-être de toute la Gaule, et l’ornement et la force de leur état ; ils disent qu’ils défendront facilement par sa position même, une place entourée presque de tous côtés par une rivière et un marais et qui n’a qu’un accès unique et fort étroit. On se rend à leurs instances, Vercingétorix qui les avaient combattues d’abord, cédant enfin à leurs prières et à un sentiment de miséricorde pour le peuple. Les défenseurs qu’il lui faut sont choisis pour la place ». (La guerre des Gaules - Livre VII - XV)

 

En sus des aristocrates, les armées gauloises comprennent tous les hommes libres capables de posséder leurs armes. En leur sein, les « ambacts » se distinguent par leur statut de guerriers d’élite qui sont liés aux nobles par des liens de clientèle. Outre les hommes libres, le recours aux mercenaires originaires d’autres peuples celtes est fréquent. Au Ier siècle av. J-C, les contingents gaulois comportent de nombreux fantassins lourds. Ceux-ci sont équipés avec des cottes de mailles et des boucliers en bois de forme oblongue. Pourvus d’un « umbo » et d’un cerclage métallique, ils sont recouverts de cuir ou de feutre, et richement décorés. Pour impressionner l’ennemi, les Gaulois l’utilisent en y frappant leurs armes tout en poussant des cris ou en entonnant des chants. L’infanterie lourde dispose également de casques qui sont en fer et dont les plus répandus sont les modèles « Port » et « Alésia ».

 

Constitué d’une demi-sphère de métal, le premier type possède un large couvre-nuque et des protège-joues articulés. Quant au second, dont la calotte peut être lisse ou conique, il est renforcé à sa base par un bourrelet obtenu par martelage. Tout comme le précédent, il possède des paragnathides articulées mais son couvre-nuque est peu marqué. À propos de l’armement offensif, le guerrier gaulois utilise plusieurs catégories d’armes. Parmi celles-ci, la « tragula » est un javelot léger propulsé à l’aide d’une lanière de cuir (ammentum) dont la portée atteint les 80 mètres. Les fantassins et cavaliers ont aussi recours à des javelots plus longs et plus lourds (gaballacos, gaison, matara) que les tragules. De même, d’usage mixte, la « lancia » peut être tenue en main comme une pique ou lancée comme un javelot. Si les piques sont réservées aux fantassins pour des combats en formation, les épées équipent tant l’infanterie que la cavalerie. D’une longueur de 90 à 100 cm, elles sont réalisées en fer tout comme leurs fourreaux. Pourvues de deux tranchants parallèles et d’un bout arrondi, ces armes sont façonnées pour frapper de taille et non d’estoc.

 

À l’instar des Grecs et des Romains, les Gaulois ont développé un mode de combat fondé sur la bataille rangée. Ils pratiquent l’engagement en phalange et auraient même inventé la formation en « tortue ». Bien entendu, cela ne les empêche pas de recourir à des fantassins légers dont le rôle est similaire aux vélites romains. Cependant, à la différence des légions, les troupes gauloises comprennent une forte proportion de cavalerie dont la qualité est supérieure à celle de Rome. À vrai dire, face aux légions de César, les Gaulois ne souffrent que d’un défaut : leur division. Aussi, en - 52, la mise en œuvre opérationnelle de l’alliance anti-romaine révèle les limites d’un encadrement et d’une formation militaire qui n’ont pas été développés pour de vastes armées de coalition. Bien qu’inférieurs en nombre, les Romains ont donc l’avantage d’être accoutumés aux opérations d’envergure et d’avoir une structure de commandement efficace. 

 

 
CÉSAR CONTRE VERCINGÉTORIX : STRATÉGIES ET TACTIQUES

 


Avant Alésia : les Gaules entre conquête et révolte

 

Au Ier siècle avant notre ère, Rome a déjà sous son contrôle les Gaules cisalpine et transalpine. Pour la République romaine, la possession de ces territoires a une grande valeur stratégique car ils relient l’Italie aux provinces d’Hispanie. Sous prétexte de protéger la Cisalpine et la Transalpine, Jules César entame la conquête de la Gaule libre en affrontant d’abord les Helvètes puis les forces du chef germain Arioviste (58 av. J-C). Loin d’être isolé, le proconsul bénéficie du soutien de certains Gaulois tels que les Éduens et les Lingons. Entre 57 et 54 av. J-C, les Romains écrasent les Belges dans le nord-est de la Gaule et se rendent maître de la côte atlantique en soumettant les Armoricains et les Aquitains. Durant cette période, César mène deux expéditions en Bretagne insulaire (55 et 54 av. J-C) et se lance dans une courte campagne au-delà du Rhin.

 

Malgré ces succès, les Romains sont confrontés à plusieurs révoltes sur le territoire gaulois. À l’automne - 54, lors de la bataille d’Aduatuca, la XIVe légion commandée par les légats Quintus Sabinus et Lucius Cotta est massacrée par les Éburons. Fort de cette victoire, le chef Ambiorix assiège ensuite la garnison commandée par Quintus Cicero. Ce dernier doit son salut à l’intervention de César qui vient en renfort avec deux légions. L’année suivante, Jules César mène une campagne punitive contre les tribus belges en rébellion. Mais, la  violence de la répression romaine ne met pas fin au sentiment de révolte. Au contraire, au début de l’année - 52, les Carnutes massacrent les négociants romains établis dans la cité de Cénabum. Très vite, le retentissement de cet événement gagne l’ensemble de la Gaule et provoque une insurrection de grande ampleur.

 

Chez les Arvernes, Vercingétorix, issu d’une puissante famille noble, prend la tête du parti anti-romain. À l’aide de ses partisans, il renverse l’oligarchie arverne et se fait proclamer roi. Des ambassades sont alors envoyées aux peuples de Gaule pour les convaincre de combattre les Romains. Rapidement, Vercingétorix se trouve à la tête d’une coalition qui rassemble les Sénones, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turones, les Aulerques, les Lémovices, les Andes, les peuples de l’Océan et les Bituriges. Après avoir échoué à couper César des légions stationnées dans le nord de la Gaule, Vercingétorix adopte la stratégie de la « terre brûlée ». Son objectif est d’empêcher les Romains de se ravitailler pour les forcer à battre en retraite vers la Province. Suite à la destruction d’Avaricum, César poursuit les forces de Vercingétorix jusqu’à Gergovie. Réfugiés dans un oppidum, les Gaulois sont assiégés par les Romains mais ces derniers échouent à le prendre d’assaut. Finalement, déplorant la perte de 700 légionnaires, Jules César lève le siège devant le refus des Gaulois d’accepter une bataille en rase-campagne.

 

« Les nôtres, pressés de toutes parts, furent chassés de leur position, après avoir perdu quarante-six centurions. Mais la dixième légion retarda les Gaulois trop ardents à les poursuivre ; elle s’était placée sur un terrain moins désavantageux afin d’être prête à porter secours. Elle fut à son tour soutenue par les cohortes de la treizième légion, que le lieutenant Titus avait fait sortir du petit camp et qui avaient occupé une position plus élevée. Les légions, dès qu’elles eurent gagné la plaine, s’arrêtèrent et firent face à l’ennemi. Vercingétorix ramena ses troupes du pied de la colline à l’intérieur des retranchements. Cette journée nous coûta un peu moins de sept cents hommes. ».
(La guerre des Gaules , Livre VI - LI)

 

Quant aux Éduens, ils finissent par rallier Vercingétorix, ce qui isole davantage César et le prive d’une abondante force de cavalerie. En dépit d’une contrée qui lui est hostile, le proconsul parvient à joindre ses six légions à celles de son lieutenant, Labienus, qu’il a envoyé en campagne contre les Parisii. La jonction des forces s’effectue à Agedincum où se trouvent deux légions gardées en réserve. Ayant rassemblé ses forces, Jules César est à la tête de douze légions quand il décide de se replier vers la Province. Au cours de sa retraite, il stationne sur le territoire des Lingons, qui comme les Rèmes et les Trévires sont restés fidèles à Rome. Cette halte estivale, permet à César de recruter des cavaliers germains dont l’appui lui est nécessaire depuis la défection des Éduens. À cet instant, la situation critique dans laquelle se trouve le proconsul est une aubaine pour les insurgés gaulois.

 

À la mi-août - 52, alors que les Romains cheminent vers la Province, Vercingétorix lance 15 000 cavaliers contre les légions dans l’espoir de les anéantir. Contre toute attente, les légionnaires appuyés par la cavalerie germaine, mettent en déroute les Gaulois. Devant cet échec, Vercingétorix et son armée se replient dans l’oppidum d’Alésia qui est situé à une quinzaine de kilomètres. Retranchés dans un site difficilement accessible, les Gaulois temporisent et espèrent écraser les Romains lors de l’arrivée d’une armée de secours. Pris en tenaille, les Romains seraient alors contraints de se battre sur deux fronts et auraient peu de chances d’échapper à l’annihilation. Conscient de ce risque, Jules César met en place un réseau de fortifications destiné à isoler les assiégés et à protéger ses légions. Dès lors, tous les éléments sont réunis pour faire du siège d’Alésia, le plus grand affrontement de la guerre des Gaules.

 


Alésia : guerre de siège et bataille rangée

 


Situé sur le Mont-Auxois dans le territoire des Mandubiens, l’oppidum d’Alésia s’étend sur une superficie de 97 hectares. Protégé au nord et au sud par deux cours d’eau, l’Ose et l’Ozerain, le site a l’avantage d’être bordé par des falaises calcaires d’une vingtaine de mètres de haut et d’être alimenté par des sources. Par ailleurs, l’oppidum est entouré d’un « murus gallicus », un solide rempart constitué de terre solidifiée, de poutres en bois et d’un parement de pierres. Ce type de fortification offre ainsi aux défenseurs gaulois une excellente protection contre le feu et les coups de béliers. Pour protéger leur position, les 80 000 hommes de Vercingétorix ont également renforcé l’accès au versant oriental du Mont-Auxois par la construction d’un fossé et d’un mur de pierres sèches. Du fait de la position avantageuse des défenseurs et de l’infériorité numérique de ses troupes (60 000 hommes), César réalise que prendre d’assaut la forteresse est hasardeux. En conséquence, il décide de l’assiéger et espère réduire ses adversaires par la faim.

 

À son arrivée, le proconsul installe ses principaux camps (castra) sur les monts qui entourent Alésia. Au sud du Mont-Auxois, la montagne de Flavigny accueille les camps que les archéologues désignent par « A » et « B ». D’une longueur de 220 mètres de long pour 80 à 150 de large, le camp « A » occupe une superficie de 2,3 hectares. Quant au camp « B », il mesure 360 mètres de long sur 230 de large, et s’étend sur 8 hectares. Par la vue imprenable qu’il offre sur Alésia au nord et la plaine des Laumes à l’ouest, les historiens l’ont identifié comme étant celui de Jules César. Situé au nord-est sur la montagne de Bussy, le camp « C » est pour sa part, attribué à Labienus. Il fait 355 à 400 mètres de long pour 250 de large, et s’étale sur 7 hectares. De plus, pour isoler les Gaulois et se protéger d’une attaque extérieure, César établit une double ligne de fortifications autour de l’oppidum. Au final, une vingtaine de camps et fortins (castella) sont établis le long des lignes de contrevallation et de circonvallation.

 

En quelques semaines, les Romains construisent deux lignes de fortifications qui s’étirent sur 15 km pour la première, et sur 21 km pour la seconde. Généralement, ces dispositifs défensifs adoptent le schéma classique « fossa, agger, vallum ». Celui-ci consiste à creuser un fossé en « V » d’environ 4 mètres de fond, derrière lequel est élevé un terre-plein. Une palissade en bois, garnie de créneau, est érigée sur ce talus, laquelle est complétée par une série de tours de garde. Du coté extérieur des murs, Jules César fait disposer une série de pièges qui doivent bloquer les Gaulois et les rendre d’autant plus vulnérables aux tirs de javelot :

 

« On coupa donc des troncs d’arbres ou de très fortes branches, on les dépouilla de leur écorce et on les aiguisa par le sommet. Puis on ouvrait des fossés continus de cinq pieds de  profondeur. On y enfonçait des pieux, on les attachait par en bas, de manière qu’ils ne puissent pas être arrachés, et on ne laissait dépasser que leurs rameaux. Il y en avait cinq rangs, liés ensemble et entrelacés : ceux qui s’y engageaient s’empalaient dans ces palissades pointues. On les appelait "cippes". Au devant, on creusait en rangs obliques et formant quinconce, des puits de trois pieds de profondeur, qui se rétrécissaient peu à peu jusqu’au bas. On y enfonçait des pieux lisses, de la grosseur de la cuisse, taillés en pointe  à leur extrémité et durcis au feu, qui ne dépassaient du sol que de quatre doigts ; en même temps, pour les affermir solidement, on comblait le fond des puits d’une terre que l’on foulait sur une hauteur d’un pied. Le reste était recouvert de ronces et de broussailles, afin de cacher le piège. Il y avait huit rang de cette espèce, à trois pieds de distance l’un de l’autre : on les appelait "lis" à cause de leur ressemblance avec cette fleur. En avant de ces puits, étaient entièrement enfoncés en terre des pieux d’un pied de long, armés de crochets de fer ; on en semait partout, et à de faibles intervalles ; on leur donnait le nom de "stimuli". ». (La guerre des Gaules , Livre VII - LXXIII)

 

Au début des travaux, les troupes de Vercingétorix tentent une sortie dans la plaine des Laumes, mais la cavalerie gauloise est défaite. Une fois de plus, les mercenaires germains recrutés par César ont joué un rôle décisif. Comprenant qu’ils auront du mal à déloger les Romains, les assiégés décident d’attendre de renforts avant d’entreprendre une nouvelle action. Entre temps, pour ménager leurs réserves de nourriture, les Gaulois expulsent les femmes, les enfants et les vieillards de l’oppidum. Les Romains refusent de les laisser passer, ce qui les condamne à mourir de faim entre les lignes des belligérants. À la fin du mois de septembre - 52, l’armée de secours arrivent avec 240 000 fantassins et 8000 cavaliers et s’établit sur la montagne du Purgatoire, au sud de la plaine des Laumes. Elle est commandée conjointement par Commios, le roi des Atrébates, l’arverne Vercassivelaunos, et par les éduens Viridomar et Éporédorix. Le jour suivant, les renforts gaulois offrent la bataille dans la plaine en engageant 8000 cavaliers qui sont assistés par des archers et de l’infanterie légère.

 

Devant la menace d’être pris entre le « marteau et l’enclume », César laisse suffisamment de soldats à l’est pour contrer une sortie des assiégés et engage sa cavalerie contre les secours gaulois. Après un âpre combat, les troupes de Vercingétorix sont repoussées et la cavalerie gauloise est refoulée par les cavaliers germains. Le lendemain, les guerriers de l’armée de secours préparent des harpons, des claies et des échelles pour assaillir les retranchements romains. À la faveur de la nuit, les Gaulois approchent des lignes romaines puis poussent une clameur qui alerte Vercingétorix et les siens de l’attaque. Malgré la violence des assauts, les légionnaires tiennent le choc et repoussent les assaillants au petit matin. Les pertes sont terribles dans les deux camps, mais du côté des lignes de contrevallation, les forces de Vercingétorix ne sont même pas parvenues au pied des remparts. À la suite de cet engagement, les Gaulois identifient une faille dans le dispositif défensif des Romains. Ils ont remarqué qu’au nord d’Alésia, le camp des légats Reginus et Rebilus est établi dans une position désavantageuse à mi pente du mont Réa.

 

À l’aide d’une force de 60 000 hommes, dissimulée derrière la colline après une marche nocturne, les Gaulois menés par Vercassivelaunos attaquent le camp. À cet instant, le reste de l’armée se déploie dans la plaine des Laumes et Vercingétorix tente une sortie. Les légionnaires du camp nord subissent des assauts furieux et n’arrivent pas à refouler les assaillants. César envoie Labienus en renfort mais les Gaulois ouvrent une brèche dans les défenses romaines. Face à cette situation, Jules César intervient avec des cohortes et des escadrons de cavalerie en direction du mont Réa. Une estafette l’a prévenue que Labienus prévoit de contre-attaquer avec 39 cohortes pour repousser les Gaulois. Pendant que les forces du proconsul convergent vers celles de Labienus, une partie des cavaliers prennent à revers les forces gauloises. Surpris, les Gaulois s’enfuient et sont taillés en pièces par les cavaliers germains. Devant ce désastre, les troupes de Vercingétorix se retirent dans l’oppidum alors que le reste des forces gauloises se disperse. Vaincus, affamés et laissés seuls face aux Romains, Vercingétorix et ses hommes n’ont désormais d’autre choix que de se rendre.


En tant que paroxysme de l’affrontement entre les troupes césariennes et gauloises, le siège d’Alésia marque à bien des égards la fin de la Gaule indépendante.  Malgré le soulèvement limité de quelques peuples en - 51, la majorité des Gaulois est échaudée par l’excellence militaire des Romains. Incapables de s’unir en l’absence d’un chef charismatique, les peuples de Gaule se soumettent à César autant par la peur qu’il suscite que par l’intérêt à s’attirer les bonnes grâces du vainqueur. En effet, si César réduit en esclavage la majorité des vaincus d’Alésia, par calcul politique, il épargne ce châtiment à 20 000 combattants éduens et arvernes. Ce faisant, il rallie à lui les élites des peuples les plus puissants de Gaule ce qui entraîne la fin de toute résistance d’envergure contre Rome. En ce sens, la bataille d’Alésia fut donc décisive, moins par ses seuls effets militaires que par l’ampleur de ses répercussions politiques.

 

Alexandre Depont

 

 

Pour aller plus loin 


Source principale :

CÉSAR Jules, La guerre des Gaules, Garnier - Flammarion, 1964.

Histoire romaine & gauloise :

Ouvrages :

BAUZOU Thomas, PERRIN Yves, De la cité à l’Empire, histoire de Rome, Ellipses, 1997.

BRUNAUX Jean-Louis, Alésia : 27 septembre 52 av. J-C, Gallimard, 2012.

LE BOHEC Yann, Alésia : 52 av. J-C, Tallandier collection Texto, 2016.

NICOLET Claude, Rome et la conquête du monde méditerranéen, Tomes I & II, PUF, 2001.

PERNET Lionel, Armement et auxiliaires gaulois (IIe & Ier siècles avant notre ère), Editions Monique Mergoil, 2010.

THEVENOT Émile, Histoire des Gaulois, PUF, 1996.

Articles et autres ressources :

JORDAN Frédéric, « Quelques réflexions sur la guerre des Gaules 1 /2 », 02 septembre 2013 :
https://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2013/09/quelques-reflexions-sur-la-guerre-des.html

JORDAN Frédéric, « Quelques réflexions sur la guerre des Gaules 2 /2 », 11 septembre 2013 :
https://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2013/09/quelques-reflexions-sur-la-guerre-des_11.html

Stratégie totale / Le forum de la guerre :

L’armée gauloise :
https://strategietotale.com/forum/38-autres-guerres-aspects-de-rome/73300-l-armee-gauloise

L’arbre celtique :

La guerre et les armes :
http://arbre-celtique.com/encyclopedie/guerre-et-les-armes-5630.htm

Sur « l’histoire-bataille » et la « bataille décisive » :

DELACROIX Christian, DOSSE François, GARCIA Patrick, OFFENSTADT Nicolas (dir.),   Historiographies, concepts et débats I & II, Folio Histoire, 2010.

GAINOT Bernard, « La défaite est-elle l'envers de la  "bataille décisive" » : Neerwinden, Novi, Vitoria. Hypothèses, 11,(1), 2008.
www.cairn.info/revue-hypotheses-2008-1-page-315.htm.

GAYME Laurent, PEREIRA Sophie, « Blois 2013 : La bataille, histoire et historiographie », Les Clionautes, 21 octobre 2013.
www.clionautes.org/spip.php?page=article&id_article=3040

HENNINGER Laurent. « La nouvelle histoire-bataille. », Espaces Temps, De la guerre. Un objet pour les sciences sociales. 71-73, 1999.
www.persee.fr/doc/espat_0339-3267_1999_num_71_1_4066

MANTOUX Stéphane, « Ils ont tué l’histoire bataille !, mythe ou réalité ? », L’autre côté de la colline, 1er août 2013. 
https://lautrecotedelacolline.blogspot.fr/2013/08/ils-ont-tue-lhistoire-bataille-mythe-ou.html

MORONVAL Stéphane, « L’idée de "bataille décisive" », colloque Guerre de Sept ans - 2013. Les Clionautes, 28 novembre 2013. www.clionautes.org/spip.php?article3073

 


 

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