A la rencontre du Machu Picchu

 

En 1525, le territoire contrôlé par les Incas s’étend du Chili jusqu’au nord de l’Equateur. Un empire colossal qui s’étire sur plus de 4000 km. Sa capitale est Cuzco (nombril du monde en quechua), dans l’actuel Pérou. L’implacable expansion de cette civilisation s’accompagne d’un raffinement exceptionnel en termes d’architecture.

 

Un chef-d’œuvre archéologique perdu dans les montagnes andines en témoigne: le Machu Picchu. Cette cité reste inviolée par les conquistadors espagnols, et demeure inconnue du monde moderne jusqu’au début du XXème siècle. Alors, les meilleurs archéologues et les plus grands historiens s’interrogent. S’agit-il d’une ville, ou d’un simple sanctuaire religieux ? Résidence pour les élites, ou bastion militaire ? Levons le voile sur cette énigme insaisissable et plongeons sans plus attendre dans les entrailles de cette civilisation disparue.


J’arrive dans l’ancienne capitale inca après un long périple en bus de 1000 km. Cette ville est l’archétype du métissage culturel. Les vestiges de la civilisation inca y côtoient les édifices de la colonisation espagnole.

 

 

 

Cuzco, le point de départ

 


Je passe de Lima, capitale actuelle du Pérou située au niveau de la mer, à Cuzco, 3400m d’altitude. Le choc est un peu rude. J’ai du mal à respirer dans un premier temps mais le folklore local me fait rapidement oublier le manque de globules rouges.
Accueillis par un groupe de femmes indigènes, je me laisse naïvement entrainer dans une ruelle à deux pas de la Plaza de Armas, la place principale. Je remarque instantanément les murs faits de pierres géantes, ces blocs polygonaux monstrueux, furieusement typiques de la ville. Quelques instants plus tard je me retrouve sur le stand de mes guides marchandes.

 

Elles me proposent d’acheter des objets artisanaux. Porte-monnaies en toile, couteaux décoratifs, poupées en tissu et sculptures en bois. Aussi, je croise un peu partout des familles en costume traditionnel : poncho multicolore, écharpe rayée en alpaga enroulée autour du cou, et le fameux chullo (le bonnet péruvien), vissé sur la tête. Un joueur de flute de pan s’ajoute à la scène pittoresque. J’ai l’impression d’avoir atterri dans une autre époque. Néanmoins, les toits en tuile rouge de Cuzco me rappellent étrangement ceux de Venise. Mais à entendre parler quechua à tous les coins de rue me replonge violemment dans le chaudron inca. Pas d’échappatoire possible. Je m’arrête donc dans un petit restaurant, et goûte au plat national péruvien : le ceviche. Des morceaux de poisson cru marinés dans du jus de citron, un délice.


Poursuivons notre aventure en quête du Machu Picchu. Pour y accéder depuis Cuzco, il faut prendre une route jadis empruntée par les Incas pendant des siècles...

 


Le « chemin de l’inca », un itinéraire mythique 

 


Ce sentier fait partie d’un gigantesque réseau de routes, construites à l'époque de l'empire inca. Il permet notamment l’acheminement rapide d’informations et de personnes d’un bout à l’autre du vaste territoire.
Un message est transmis à une vitesse vertigineuse. Il n’y a ni chevaux, ni voitures, tout se fait à pied. Et pourtant, il ne faut guère plus de 10 jours pour qu’une nouvelle parvienne de Cuzco à Quito, distante l’une de l’autre de 1650 km. Un réseau extrêmement dense de coureurs tout le long des routes en assure l’incroyable efficacité.
Au Musée d’Histoire régionale de Cuzco, Hernan, notre guide, précise la nature des messages diffusés et révèle ce détail improbable :

 


Les messages envoyés, appelés quipus, sont composés d’une corde principale sur laquelle sont accrochées des cordes secondaires de différentes couleurs portant des nœuds. C’est leur moyen de communication extra oral. En effet, les Incas ne maîtrisent pas l’écriture »

 


Maintenant c’est à mon tour de fouler ces sentiers légendaires. Un lot de surprises et de déconvenues m’attendent à chaque carrefour…

 


Le Trek 

 


Mardi matin. Réveil aux aurores. Le chauffeur du minibus est sensé me récupérer à l’hôtel à 5h30. Je suis donc sur le qui-vive dans le lobby à l’heure H. Cependant, il n’arrivera qu’à 6h00. On est au Pérou, et la ponctualité semble être un concept assez relatif dans ce pays. Mon groupe est enfin réuni, en majorité des jeunes américains et européens.
Enfin, le top départ du trek est donné : 45km de marche avec barda et équipements en pleine montagne. Néanmoins, dans notre folle expédition nous ne sommes pas seuls. Des auxiliaires péruviens viennent nous prêter main forte. Porteurs, cuisiniers, guides… autant d’aide précieuse pour parcourir ce bout de vallée sacrée des Incas. Au menu : dénivelés dantesques, traversée de ponts suspendus, visite de sites archéologiques, remontée de rivières, cols à traverser, passage de forêt tropicale, nuits sous tente. Programme chargé.
Tim Anderson, un touriste américain de 34 ans, livre ses impressions lors de la traversée de la vallée de Llulluchapampa (3850m):

 


La randonnée est assez éprouvante, mais les paysages sont magnifiques. J’ai adoré Sayaqmarka, le village trônant sur une arête rocheuse (…) Par ailleurs, je n’oublierai pas de sitôt mon tête-à-tête avec un lama ! »

 


Vendredi matin. Petit-déjeuner à 4h15. Un début de randonnée aussi matinal qu’obscur. C’est pourquoi il faut vite dégainer les lampes frontales. Nous avançons timidement en file indienne sur un sentier qui serpente. Le froid nous enveloppe dans un fin manteau de glace. Cependant, l’appel de la citadelle est plus fort. Nous continuons donc inexorablement notre route en dépit des conditions climatiques difficiles.


Apres quatre jours de marche épuisante, nous voici à deux doigts d’atteindre notre Graal. Dernière ligne droite avant de se retrouver face au colosse.

 


Les ruines du Machu Picchu 

 


Tous galvanisés à l’idée de voir le lever de soleil sur le site légendaire, nous accélérons un peu plus le rythme. Notre curiosité semble croître au fur et à mesure que nous nous rapprochons.


Arrivés à la porte du Soleil, Inti Punku, c’est l’euphorie générale. Visages éblouis, et soupirs de soulagements, notre récompense est là devant nous, bien palpable. Depuis cet endroit, la vue panoramique sur le Machu Picchu, qui signifie vieille montagne en quechua, et le Wayna Picchu, la montagne qui lui fait face, est littéralement à couper le souffle. «C’est le Pérou !» s’exclame spontanément Julien, un autre touriste français.


Imaginez une succession de terrasses à flancs de montagnes, une multitude de bâtisses en ruine, des temples et des habitations à l’abandon, quelques lamas ici et là. Le cadre est planté. Aussi, la cité inca règne en maitre sur une colline étroite aux falaises tombant à pic. Vision spectaculaire.


Petit rappel historique : au XVème siècle le Machu Picchu est l’une des résidences principales de l’empereur Pachacutec, l’artisan de l’expansion et du rayonnement inca. C’est également un sanctuaire religieux important. D’autre part, la multitude de temples qui s’y trouvent sont dédiés presque tous exclusivement à Inti, le dieu soleil.


Inscrit au Patrimoine Culturel de l'Humanité depuis 1983, le Machu Picchu fait également partie des sept nouvelles merveilles du monde. Par ailleurs, le site est le monument le plus visité du Pérou.

 

Jérémie Dardy

 


 

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