L'ONU: institution crédible ou vaste utopie

 

L’ONU a-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions ? Telle est la question ontologique, le fil à partir duquel tout jugement doit se déployer.


L’Organisation des Nations Unies est créée en 1945, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Objectif générique : promouvoir la paix dans le monde. Une bien noble cause... Mais avec un budget annuel de 5 milliards de dollars, l’institution peut-elle véritablement mener à bien toutes ses missions ?


L’ONU n’est pas née de nulle part ; sa création a servi à remplacer la S.D.N (la Société Des Nations). Cette institution avait également pour but d’éviter les guerres ; elle échoua lamentablement, et les convulsions de la Seconde Guerre Mondiale l’enterrèrent… et pour cause : les 50 millions de morts du conflit liquéfièrent toute sa crédibilité. Née du traité de Versailles en 1919 (après la première guerre mondiale), la SDN fut initialement porteuse d’espoir. Malheureusement, l’utopie de paix mondiale se heurta aux dures réalités géopolitiques, et le « derderisme » ne fut bientôt plus qu’un souvenir…


La SDN fut donc remplacée par l’ONU. Un nom différent pour un même objectif : la promotion de la paix à travers le monde. Eviter les conflits par tous les moyens ; principalement via la diplomatie. Lors de sa création, l’ONU comptait 51 états fondateurs. Dorénavant, elle en regroupe 193… soit la quasi-totalité des pays que compte la planète. Le siège est à New-York, et des antennes secondaires sont disséminées à travers le monde. La Charte des Nations unies, grand texte fondateur, fut signée à San Francisco. Un autre texte lui sert également de référence. Il s’agit de la fameuse Déclaration universelle des Droits de l'homme, signée à Paris en 1948. Une éthique morale sans faille.

Contrairement à la SDN, l’ONU dispose d’un Conseil de sécurité. Donc de soldats ; les fameux « casques bleus ». Ces derniers peuvent être envoyés à n’importe quel endroit du globe pour pacifier une région. La particularité de ce conseil de sécurité : des quinze membres qui le composent, cinq sont « permanents », ce qui signifie qu’ils disposent d'un droit de véto. Il s’agit des États-Unis, de l'URSS (désormais Russie), de la Chine, de la France, et du Royaume-Uni. Une machine apparemment bien huilée, et pourtant...


Ces dernières décennies apportent la preuve d’une efficacité très relative de l’ONU. Qu’a-t-elle pesé pendant les guerres de décolonisation des années 1950 et 1960 ? Ou était-elle lors des massacres du Cambodge au milieu des années 1970 ? Que faisait-elle aux pires moments de la dictature en Amérique Latine, dans les années 1980 ? Où se cachait-elle donc lors des atrocités commises au Rwanda en 1994 ? Et en ex-Yougoslavie ? Quel travail effectif et tangible, actuellement en République Démocratique du Congo? Elle n’a pas su, bien entendu, prévenir les quelques 300 000 viols, ainsi que les millions de morts de ces 15 dernières années en R.D.C.

Force d’interposition, dit-on… et derrière, ce slogan subliminal qui tranquillise les consciences : « maintien de la paix ». Obscénité flaccide ? Gelée de formol ? Le grand mollusque international bave son sirop sur les consciences. Soit, le cataclysme de la seconde guerre mondiale ne s’est pas répété… mais cette longue liste de conflits ethniques et de guerres civiles se compte aussi en millions de morts. L’équivalent d’une troisième guerre mondiale fragmentée, dilatée sur des décennies de somnolence.


Non, les louables et nobles objectifs de paix de l’ONU n’ont pas été atteints. Le gong de l’échec aurait dû raisonner depuis longtemps, mais le manche s’est perdu dans les béances du marché. A sa décharge, l’institution   ne dispose pas des moyens financiers nécessaires pour le « job » : sauver chroniquement l’humanité. De même, un cadre juridique parfois restreint l’empêche d’intervenir partout où elle le devrait. Ajoutons les lenteurs administratives, les blocages internationaux perpétuels... L’ONU suinte l’impuissance.


Elle peut cependant se targuer de quelques réussites indéniables, notamment dans le domaine de l’action humanitaire. Ce n’est pas rien. Aussi, l’ONU peut se targuer d’être l'organisation multilatérale qui contribue le plus largement à la stabilisation d'après conflit dans le monde entier. Un petit côté post-cataclysme tout de même. N’oublions pas non plus le registre de la justice, au travers de la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye ; son existence est définie dans la Charte des Nations unies.


Ultime paradoxe pour finir : comment se fait-il que l’ONU soit en charge d’assurer la paix mondiale en favorisant le désarmement… si ses propres membres permanents sont les premiers marchands d’armes de la planète ?
Jeremie Dardy

 

 


 

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